Soixante-dix ans et tout son talent, le saxophoniste déniche un pianiste renversant pour un concert captivant.
De toutes les légendes du jazz encore en activité (de Wayne Shorter à Sonny Rollins), Charles Lloyd n’est certainement pas le plus flamboyant ; pourtant, s’il n’a pas réécrit la langue du jazz comme ses confrères précités, il n’a jamais cessé d’apporter son sax à l’édifice.
De son quartet avec Keith Jarrett dans les années 60 (dont le succès rendit vert de jalousie Miles lui-même) jusqu’à ses aventures contemporaines sur le label ECM, Lloyd a continué de développer un jeu lyrique, empreint d’une esthétique mi-free mi-raison. Mais à la différence du colosse Rollins (décevant une fois les sommets atteints), le vieux Charles (70 printemps cette année) a toujours tenu son cap, préférant la régularité d’une bonne équipe de mi-tableau à la fougue en dents de scie d’un onze de coupe. Depuis quelques années, le souffleur à l’allure de sage nous régale même de projets vivifiants grâce à son implacable flair pour dégoter des compères de jeu. Après l’excitant Sangam flanqué du génial Zakir Hussain aux tablas, notre saxophoniste adepte en flûtes de tous pays (cf. Booker’s Garden ou Ramanujan) s’octroie ici, dans une veine nettement plus jazz, les services d’un pianiste qui crève le disque de son talent. Dès le titre d’ouverture (Prometheus), Jason Moran impose sa classe, son toucher, sa percussion. Et quand le batteur Eric Harland (déjà présent sur Sangam) se lance dans des solos d’équilibriste en contrepoint, Lloyd trouve une dream team pour dérouler des compositions de charmeur de serpents, pleines de clins d’œil (de Monk à Coltrane).
La force de Rabo de nube ? Offrir un concert où la spontanéité prend le pas sur la virtuosité, où l’alternance d’instants enfiévrés et de séquences apaisées force l’oreille à l’attention, toute craintive qu’elle est de louper la moindre parcelle de ces sept titres captivants.
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