Le duo queer fait face à de graves accusations, sur les réseaux sociaux, à l’encontre de l’un de ses membres. On fait le point.
Gros malaise. Pageant, le nouvel album du duo PWR BTTM, sorti le 12 mai, devait être l’événement queer punk de l’année. Une grande fête « genderfuck » célébrée à grands coups de paillettes, de robes à fleurs et de rouge à lèvres.
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Encensé par la presse, de SPIN à Vice (qui décrit PWR BTTM comme « le prochain plus grand groupe d’Amérique »), le deuxième effort du duo au nom si provocateur – issu du vocabulaire gay, l’expression « power bottom » désigne un garçon particulièrement passif mais dominant – couvre des thématiques chères à la communauté LGBT+. Une communauté qui pensait peut-être avoir trouvé dans ce groupe originaire de l’Etat de New-York, les successeurs garage des Scissor Sisters.
Douche froide
Mais ces derniers jours, c’est la douche froide. A la veille de la sortie de l’album, Ben Hopkins, moitié du duo avec Liv Bruce, a fait l’objet de graves accusations de violences sexuelles et d’antisémitisme circulant sur les réseaux sociaux comme Twitter et Reddit.
Si le groupe a déjà répondu aux accusations d’antisémitisme (nourries notamment une photo où l’on voit Hopkins posant à la plage à coté d’une croix gammée dessinée sur le sable), arguant une « erreur de jeunesse », les allégations à l’encontre de Hopkins de violences sexuelles commencent à attirer l’attention de la presse. Sous la pression, le groupe publiait, jeudi 11 mai, sur son compte Twitter une longue déclaration assurant « prendre très au sérieux ces accusations » et avoir mis en place une adresse mail, à laquelle Hopkins n’aurait pas accès, pour que les victimes potentielles du musicien puissent témoigner:
« Notre objectif principal ici est de faire en sorte qu’un(e) rescapé(e) d’abus puisse avoir une voix, que son histoire soit entendue et que les personnes qui ont dépassé la ligne rouge soient tenues responsables. Ce que cela signifie pour le groupe, notre album, nos fans et nos tournées à venir est, pour le moment, est peu clair », conclut le groupe.
https://twitter.com/PWRBTTMBAND/status/862723031990513665
« Prédateur sexuel »
Après ce message, la parole s’est libérée. Vendredi, le site Jezebel publiait le témoignage anonymisé d’une jeune femme accusant le musicien de l’avoir forcée à « avoir une relation sexuelle sans permission tout en refusant de mettre une protection ». Soit, pour le dire clairement: de l’avoir violée. D’autres témoignages sont partagés sur les réseaux sociaux désignant Hopkins comme un « prédateur sexuel ».
Apple Music et iTunes retirent les disques du groupe de la vente
Depuis, c’est l’hécatombe. Le jour même, Cameron West, le musicien et arrangeur qui accompagnait le groupe en tournée, annonce sur les réseaux sociaux qu’il jette l’éponge.
I am hereby ending my tenure with the band as an arranger and touring musician.
— Cameron West (@cameronwestmusi) May 12, 2017
Dans la foulée, le management de PWR BTTM, Salty Artist Management, et son label, Polyvinyl Records, annoncent qu’ils lâchent le groupe. Leur tournée est donc bien entendue annulée.
Et depuis hier soir, leur album Pageant n’est plus disponible sur les plateformes iTunes, Apple Music, Tidal, Google Play, et Amazon. Actuellement, plus aucune musique de PWR BTTN n’est d’ailleurs disponible sur Apple Music. Spotify est la seule plateforme où vous pouvez écouter encore toute leur musique, mais ça ne va pas durer, à en croire un représentant du label Polyvinyl qui aurait réclamé leur retrait.
Quant aux anciens disques du groupe sortis chez Father/Daughter Records, notamment leur premier album Ugly Cherries, ils ont aussi été supprimés de iTunes et d’Apple Music, bien qu’ils restent disponibles sur Tidal, Spotify, Google Play et Amazon. Le label Father / Daughter a toutefois annoncé qu’il ne vendrait plus aucun disque ou article de merchandising de PWR BTTN.
Champions de la communauté LGBT+
Dans les rangs des fans, ces accusations font l’effet d’une bombe. Certains s’enferrent dans le déni, d’autres se sentent profondément trahis, mais tous ont du mal à admettre qu’un membre d’un groupe brandissant aussi haut des valeurs de tolérance et de respect puisse faire l’objet de telles incriminations:
https://twitter.com/thebaileylarkin/status/863624049670356992
« Mon cœur est déchiré. Comment osez-vous vous présenter comme les champions de notre communauté et faire quelque chose comme ça ! », tweete cette fan. « Je n’arrive pas à croire que je voulais vous ressembler. Vos chansons étaient MES chansons. Vous chantiez MES douleurs. Absolument dégoûtée. »
« Contre l’oppression patriarcale »
Si le duo est aussi admiré, c’est pour son univers ultra-queer et ses chansons évoquant la fluidité de genre, le regard des autres (Sissy, Big Beautiful Day) ou le « langage inclusif ». Comme dans les paroles de New Trick où Liv Bruce prône l’utilisation d’une grammaire non-binaire, ni féminin ni masculin, pour s’adresser à elle. Ainsi, lors du passage du groupe à Paris en avril dernier, la chanteuse expliquait aux Inrocks :
« Je n’ai pas décidé d’écrire cette chanson pour inciter les gens à utiliser des pronoms de genre neutre. Ni même pour inspirer celles et ceux qui vivraient mal cette situation. Tout est venu d’une expérience personnelle où j’expliquais à quelqu’un pourquoi je ne suis pas « un garçon qui porte une robe » et qu’il y a une façon plus respectueuse de parler de moi. »
Ben Hopkins, quant à lui, nous expliquait, pourquoi, malgré la récurrence de thèmes progressistes dans ses compositions, il ne se considère pas comme un activiste :
« J’ai écrit Big Beautiful Day parce qu’un ami avait eu une expérience vraiment merdique chez le médecin en tant que personne queer. J’ai écrit cette chanson pour qu’il se se sente mieux. Si on a l’impression que la chanson parle de l’administration Trump, c’est parce que je suis une personne contemporaine, alors j’ai des émotions contemporaines. Dès que tu es un artiste queer, toute forme d’expression devient politique. Mais on ne fait qu’écrire des chansons. On ne se présente pas à la Maison Blanche. On ne confond pas notre rôle avec celui des activistes qui se battent tous les jours contre l’oppression patriarcale !
Des mots qui résonnent étrangement aujourd’hui. Depuis son communiqué, le duo n’a fait aucune déclaration mais lundi soir, il retirait toutes ses vidéos de sa page YouTube. Et si pour l’heure, aucune plainte n’a été déposée, on imagine mal les PWR BTTM reprendre la promotion de leur disque dans les jours qui viennent…
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