À 27 ans, celle qui a fait ses armes auprès d’Éloi entend s’affranchir de toutes les étiquettes, ouvrant un virage “hard” à une pop jugée parfois consensuelle. Impertinente et résolument prolifique, la musicienne performera sur la scène des Inrocks Super Club, le 16 novembre. Portrait d’une artiste prête à en découdre.
Parmi celles et ceux qui s’épanouissent à l’envi dans ce terrain de jeu nommé (hyper)pop, il y a Éloi, mais pas que. Tout laisse à penser que cette dernière, du haut de ses 24 ans, est bel et bien en passe d’ouvrir la voie à une nouvelle génération d’avant-garde musicale, tout aussi subversive qu’audacieuse.
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Une sorte d’écosystème qu’a rejoint Salome, à l’aube des années 2020, dans le sillage de sa principale instigatrice. Même tranche d’âge, même aura et même impertinence, ces deux-là partagent la soif d’envoyer valdinguer les étiquettes qu’on aime (trop souvent) leur accoler.
Flammes jumelles
Tout comme sa comparse Éloi – avec qui elle a d’ailleurs composé Le Risque, featuring qui figure sur Dernier Orage – Salome ne semble vouloir s’enfermer dans un seul genre. Voilà qui lui est bien égal. “Je trouve que la pop c’est très important, si ça marche c’est qu’il y a une raison, mais y a rien d’hyper dans ma pop, enfin si, peut-être mon tempérament hyperactif !”, s’amuse-t-elle. Touche-à-tout – photographie, écriture, design graphique et astrologie à ses heures perdues – elle dit “ne pas [tenir] en place”. Et on veut bien la croire.
C’est par cette soif intarissable de mouvement que Salome croise le chemin d’Éloïse Leau de son vrai nom, à leurs prémices respectives. La première commence la musique lors de ses années Amsterdam où, portée par une “communauté digitale” florissante comptant dans ses rangs Timothée Joly, autre figure montante de l’hyperpop, ou encore Gracchus de White Garden, elle s’aventure au chant et à la composition. Tandis que la seconde, multi-instrumentiste, baigne dans une atmosphère musicale depuis l’enfance. Deux parcours qui se sont pourtant entremêlés – elles sont passées toutes les deux par les Beaux-Arts – jusqu’à alimenter une sorte de force créatrice : premiers concerts, festivals, direction artistique de l’album de sa camarade… Elles deviennent de véritables compagnonnes de route. “On s’est beaucoup inspirées mutuellement”, sourit Salome, louant une amitié cimentée “par des trucs très personnels” et l’“amour de la drum and bass”.
Luxuriances hard pop à la saveur UK
Nous y voilà, dans le cœur de Salome. Un espace à la fois effréné et épais, où résonne une matière musicale aux arcanes nébuleuses. Mais pas tout à fait hyperpop, disait-on plus tôt, sous-genre foisonnant qu’on serait tenté·es de brandir (sans doute par facilité), face à une salve d’inclassables. Ceux-là même qui propulsent la pop dans des sphères numériques aux couleurs hardcore, affirmant un goût pour l’AutoTune et autres exubérances esthétiques. Il y a chez elles et eux, un défi : celui de s’affranchir de l’image policée d’un genre parfois jugé consensuel. Défi face auquel Salome remonte les manches, reprenant à son compte ces caractéristiques musicales, auxquelles elle ajoute une touche “hard et extrême”, inspirée par la flopée d’influences – principalement britanniques – qui infusent ses compositions.
“Ce qui me touche, c’est la UK bass, les débuts de la dubstep des années 1990, Everything But the Girl, Björk, Amy Winehouse”, s’épanche-t-elle, vantant des artistes avec “beaucoup de sincérité”. Sans doute le fruit de son enfance passée en Angleterre, années bercées des Stones Roses, My Bloody Valentine, Chilly Gonzales… et qui s’achèvent à l’aube de ses dix ans avec son arrivée en France, où elle plonge ensuite dans les méandres de l’indie rock, à l’instar d’une kyrielle d’ados. Sans jamais perdre de vue le R&B pour autant, musique qui l’a “portée, éduquée et fait du bien phoniquement”. Ni fermer ses écoutilles à la vague electroclash, se prenant de plein fouet “la claque Sexy Sushi”. Pléthore d’influences qui se sont amoncelées dans sa psyché, jusqu’à impulser une musique “dansante et cathartique”, aux “sonorités définitivement pas françaises”.
“Un truc presque spirituel”
Si au début, se risquer à investir les scènes relevait davantage de la blague, Salome semble vouloir mettre le holà à cette approche un peu désinvolte. “C’est très sérieux”, tient-elle à préciser, voyant en son projet une sorte d’issue salvatrice “indissociable de [son] parcours de guérison”. “Tout est intrinsèquement lié”, glisse-t-elle d’un ton sibyllin, mais entendu. Ses cicatrices d’hier, l’artiste les élude avec une certaine pudeur – elle n’a “pas envie qu’on s’apitoie sur [son] sort” – bien qu’elle les fasse apparaître en filigrane dans ses sorties à venir : un single ce mois-ci et un EP au printemps.
Aujourd’hui, Salome a 27 ans, un peu plus de confiance en elle et l’ambition de “donner le tout pour le tout”. Sans courber l’échine face aux beatmakers avec qui elle collabore, parfois obnubilés par le mix de la prod au détriment des voix. Ni même face aux invectives de ceux qui, “toute sa vie [lui ont] répété [qu’elle] ne [faisait] rien normalement”. Encore moins face aux angoisses que sa “rigueur extrême et maladive” lui insuffle.
Sa boussole, désormais, se loge davantage dans ses ressentis. “Je veux être totalement en conscience de tout ce qui se passe”, prévient la musicienne, attentive aux velléités créatrices qui naissent dans son esprit. Lesquelles l’attirent, en ce moment, vers une musique “plus transcendantale” et “hybride”, flirtant davantage avec “l’electro de club”. Un virage qui signe la fin des tournées avec Dviance – artiste avec qui elle collabore depuis ses débuts – mais qui initie une traversée plus singulière et féconde encore.
Oser et s’émanciper
Nouvelle dynamique aux allures de tabula rasa, Salome y balaye d’un revers de main ce qu’elle désigne comme son “impostor syndrome”, décidant de s’atteler elle-même à la production de ses morceaux. Un cap qu’elle n’avait jamais osé franchir jusqu’alors, lui permettant d’initier une émancipation tout aussi artistique qu’intime – dimension qu’elle déploie d’ailleurs dans sa musique. Car c’est bien de cela dont il est question avec Salome. Un rapport à soi, à la posture, à la place que l’on ose prendre.
Pour elle, c’est sur scène autant qu’en studio que tout se joue, espaces où elle se déploie sans honte ni excuses, motivée par “un truc presque spirituel”. “Je me suis rendue compte que ça me faisait beaucoup de bien”, détaille-t-elle en se remémorant ses premières répétitions, moments précieux où elle a compris qu’ici serait son salut. Et d’ajouter : “Écrire, ça m’appartient et personne ne pourra me l’enlever”. Quitte à palabrer des heures, dans l’antre du studio, sur la pertinence de tel ou tel kick, ou hausser le ton quand des désaccords surgissent. Le tout dans un jusqu’au-boutisme artistique absolument réjouissant.
Les Inrocks Super Club le 16 novembre à la Boule Noire, avec Le Kaiju, Kaba et Salome. Vous pouvez déjà réserver vos billets à cette adresse.
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