Depuis une poignée d’années, Le Kaiju arpente et électrifie les clubs parisiens avec le désir ardent de fédérer les foules, au rythme d’une musique club plurielle. Iel présentera son récent premier EP à l’énergie viscérale, “Violence”, sur la scène des Inrocks Super Club, le 16 novembre, à Paris.
Le rendez-vous avec Le Kaiju est pris à quelques encablures du métro Marx Dormoy, station parisienne qui donne son nom à l’angoissante et imparable tornade footwork issue de son premier EP Violence, lancé à la mi-octobre. En pleine ascension au sein de la scène clubbing et queer parisienne, l’artiste de 27 ans semble pourtant serein·e et lucide quant à l’accélération de sa jeune carrière de producteur·rice et de DJ.
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Cela vient peut-être du fait que Le Kaiju a grandi dans une famille d’artistes, côtoyant musicien·nes depuis le plus jeune âge à la maison et dont la sœur n’est autre que la frondeuse Éloi. Une sœur avec laquelle iel a creusé inconsciemment sa volonté de produire de la musique : “Plus jeune avec ma sœur Élo, on a toujours fait un peu de prods sur GarageBand, mais je n’avais jamais été vraiment dedans, je ne prenais pas ça au sérieux, je ne savais même pas que c’était un métier. C’était juste pour jouer, on faisait nos expérimentations.” Aujourd’hui, le jeu a cédé la place à la réalité. Une réalité brute et cruelle à bien des égards que dépeint Le Kaiju avec une énergie pourtant optimiste. Que ce soit sur des beats déflagrant tout sur leur passage ou lors de sets explorant un vaste panel de la musique club, à l’image de son passage chez la fameuse antenne bruxelloise Kiosk Radio.
Rencontre avec le club
Lorsque l’on pose la question sur l’acte de naissance de Le Kaiju, la réponse – lâchée avec bonhommie – fait sourire : “C’est une créature qui est née en banlieue parisienne et qui a évolué dans des clubs assez tôt. Je me faisais de fausses cartes d’identité avec mes potes pour aller au Rex. Les videurs étaient vraiment sympas avec moi parce que j’avais pas du tout la gueule de quelqu’un de 18 ans.“ Après une enfance “pas très facile“ passée à Montrouge, où Le Kaiju ne se sent véritablement à l’aise que dans le studio de son père, auteur-compositeur, chanteur et musicien sénégalo-américain ; c’est à l’adolescence qu’une révélation intime se met en marche : “Assez tôt, j’ai été fasciné·e par l’univers du club et la liberté que ça me procurait. C’était au même moment où je faisais de la batterie dans des groupes de rock, etc. J’avais 16 ans à cette époque.”
En goûtant à la fièvre des nuits de la capitale, Le Kaiju décide de franchir le pas et de se consacrer pleinement à la musique. Iel s’inscrit au conservatoire à la fin du lycée pour étudier le jazz, commence Sciences Po Paris au même moment, avant de jeter l’éponge après trois semaines, puis traverse l’Atlantique pour rejoindre la prestigieuse école Berklee College of Music à Boston, où iel approfondit son apprentissage de la batterie jazz et se rapproche de la musique électronique.
Une expérience qui va sceller son envie de bifurquer pour de bon vers la production de musique électronique : “Aux États-Unis, je me suis assez rapidement rendu compte que c’était trop fermé, trop niche pour moi de jouer de la batterie pour des gens du milieu du jazz ». À Boston, il y a une scène club qui existe mais c’était pas énorme. Je me suis dit qu’à la place de suivre la piste jazz, j’allais faire une licence en production électronique et sound design pour vraiment m’approprier tous les outils qu’il peut y avoir en studio.“ Après avoir reçu son diplôme des mains de Missy Elliott (docteure d’honneur de sa promotion), et passé un an à New York pour un stage au mythique Electric Lady Studios de Jimi Hendrix en tant qu’ingénieur du son, Le Kaiju est contraint·e de rentrer à Paris, Covid-19 oblige. C’est là que tout va prendre forme pour iel.
Grande messe queer
De retour chez leur mère avec Éloi, iel et elle s’entraident l’un·e l’autre et alimentent leurs projets solos respectifs, qui commencent à prendre forme. Un travail artistique qui coïncide alors avec une étape importante de sa construction identitaire : “Dès le début, mon rapport à la musique c’était de recoller les pièces d’un puzzle. C’est une recherche au niveau de ce qu’il y a dans les tripes, au plus profond de soi. Il y a l’identité en tant que personne racisée, mais il y a aussi ce qui est venu un peu plus tard quand j’ai pu faire mon coming out en tant que personne queer. J’ai pu en parler à ma famille, à mes ami·es, j’ai pu m’afficher comme étant queer et la musique m’a beaucoup aidé·e pour ça.“
À ce moment précis de sa vie, le club, les raves ou les squats deviennent des lieux d’émancipation, des lieux à part entière, lui permettant de s’affirmer en toute liberté au contact de la communauté queer : “Je pense que c’est pour ça que j’ai vraiment fait un bond dans la club music. Ça a presque été un passage vers l’honnêteté, pour être aligné·e avec moi-même. C’est une musique qui m’apportait plus d’un point de vue identitaire par rapport à toutes les autres musiques que j’ai pu faire. Ça m’a permis d’être dans des espaces où il y avait des gens qui me ressemblaient.“ L’entraide et la bienveillance qu’iel rencontre dans ces espaces à la marge se transforment en sources d’inspiration.
Le mois dernier, Le Kaiju dévoilait cinq morceaux sous le titre cru de Violence. Tout un programme. Derrière ce titre qui alerte se trouve un EP inaugural hybride où s’entrechoquent secousses ghetto tech/house, saccades UK bass et autres croisements rythmiques audacieux inspirés des scènes de Détroit, Chicago, Baltimore, dans un élan aussi jouissif que cathartique. Pour ce·cette batteur·euse de formation, les percussions occupent dans ses morceaux, une place aussi – si ce n’est plus – centrale que la voix.
“J’ai le sentiment d’avoir une sorte de mission que je suis seul·e à me donner, raconte iel. Head 2 Toes raconte la queerness et la non-binarité, mais ce morceau est autant pour les personnes queer que pour celles qui ne le sont pas. Parce que mon objectif, c’est que tout le monde puisse aspirer à cette même liberté, de s’habiller comme on veut, de se présenter comme on veut, quelle que soit la manière dont on se perçoit.“ Pour cela, il vous suffira juste de venir communier sur le dancefloor des Inrocks Super Club avec Le Kaiju, lors de sa performance en forme de “grande messe queer” ouverte à tous·tes !
Les Inrocks Super Club le 16 novembre à la Boule Noire, avec Le Kaiju, Kaba et Salome. Vous pouvez déjà réserver vos billets à cette adresse.
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