Originaire d’Atlanta, la grosse confirmation du festival norvégien By:Larm débarque cette semaine à Paris. Ne ratez pas l’occasion de frimer dans 50 ans en racontant que vous étiez présent à son premier concert français.
Depuis une grosse paire d’années, les mecs et les filles de FACT Magazine en font des tonnes sur Abra, et, plus largement, sur chacune des nouvelles têtes plus ou moins stylées signées sur Awful Records. Un détour en Norvège le week-end dernier à l’occasion du festival By:Larm a suffi à justifier la puissance des louanges adressées à la chanteuse anglo-américaine. Avec Abra, le collectif d’Atlanta tient la certitude d’exploser les frontières de sa notoriété. Aussi bien dans le temps que dans l’espace.
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Reine d’Oslo
Mené par le rappeur/gourou Father, Awful Records était bien représenté lors de la dernière édition du très cool festival By:Larm, à Oslo. Le premier week-end du mois de mars a ainsi vu le MC de 26 ans débarquer en Norvège en compagnie de sa jeune protégée. Elle n’a pas tardé à lui voler la vedette. Un premier concert complet et impossible d’accès jeudi soir avant une performance brûlante le lendemain au beau milieu d’une place Youngstorget médusée devant tant d’aisance et de simplicité. Avec son laptop comme seul partenaire de scène, Abra a livré un set décomplexé dont les imperfections renforcent le sentiment précieux d’assister à la naissance d’une future tueuse destinée à exploser la fin de la décennie toute entière.
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Si elle ne divulgue ni son âge ni son nom, le charisme presque adolescent et l’insouciance de la chanteuse trahissent une date de naissance que l’on imagine facilement postérieure à 1994. La fameuse année où Aaliyah et R-Kelly inventaient les bases du R’n’B d’aujourd’hui avec le bien nommé Age Ain’t Nothing but a Number. Une vingtaine d’années plus tard, Abra semble avoir bien révisé la leçon de précocité soufflée par la légende disparue du genre.
Au-delà d’une vague ressemblance physique, la comparaison entre les deux chanteuses résiste à l’écoute de leurs chansons respectives. En confrontant R’n’B moderne, pop fluo et souvenirs de la house de Chicago, Abra va même plus loin que son illustre aînée et dessine un territoire improbable où la douceur de sa voix fluette percute la radicalité no-wave d’un groupe comme ESG.
« Tu ne peux pas être noire et parler comme une Anglaise. »
Élevée à Londres les huit premières années de sa vie, Abra (diminutif de Gabrielle) a rapidement suivi le mouvement d’un déménagement familial pour rejoindre les Etats-Unis et Atlanta. Dans une interview pour The Fader publiée en début d’année, elle revient sur les difficultés de son intégration et la naissance de son ambition artistique :
« J’ai grandi à Londres jusqu’à l’âge de huit ans. C’était compliqué de débarquer dans le sud des Etats-Unis avec un accent anglais. Les enfants étaient vraiment mesquins genre ‘Tu ne peux pas être noire et parler comme une Anglaise.’ C’était assez dur pour moi mais c’est grâce à ça que je suis devenue un peu cheloue. C’est à ce moment que j’ai commencé à jouer de la guitare et à écrire des petites nouvelles fantastiques. »
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Abra explique s’être alors repliée sur elle-même jusqu’à devenir une sorte de geek solitaire, plus attirée par la surconsommation de films d’horreur et la lumière bleue des cyber-cafés que par les relations sociales :
« Je me suis dit que j’allais devenir une créative et que je n’avais pas besoin d’amis. »
Révélée par Internet où ses clips frôlent aujourd’hui le million de vues, la chanteuse assure avoir trouvé sa place et ses vrais amis sur les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs sur YouTube que ses reprises accompagnées à la guitare ont attiré la vigilance de Father, le boss d’Awful Records :
« Juste avant de m’inscrire à la fac, je faisais des reprises de rap sur YouTube en m’accompagnant à la guitare » retrace Abra, toujours pour The Fader. « La copine de Father est tombée dessus et elle a fait le lien entre nous. Quand j’ai sorti le morceau Needsumody, il l’a remixé. C’est à ce moment qu’on a commencé à bosser à fond ensemble. Nos styles se complètent vraiment bien »
Duchesse autoproclamée de la darkwave
Encadrées par l’ambition de businessman de Father, les inspirations d’Abra aboutissent sur la publication de BLQ VELVET, un premier EP en forme de prélude mélancolique à, Rose, son premier album lumineux sorti à l’été 2015. Grâce à ces douze morceaux empilés comme autant de réincarnations d’un R’n’B contemporain qui ne compte plus ses mises à jour, la carrière d’Abra longe la trajectoire traditionnelle de la hype des années 2010. Dans une industrie qui ne vend plus d’objets physiques mais qui compte sur les clics et la modernité des gestes artistiques pour certifier ses nouveaux héros, les éloges répétés de FACT, The Fader ou Dazed ont permis de pérenniser son ascension.
Le site du magazine de mode britannique l’a notamment sélectionnée (et rhabillée en Calvin Klein) pour figurer dans son très observé classement des « 100 artistes qui redéfinissent la culture« . De son côté, FACT lui a carrément dédié un mini-documentaire dans lequel on peut la suivre revenir sur les traces de son enfance à Londres.
Passée par South By Southwest en 2015, draguée par la mode et sollicitée par les festivals européens les plus précurseurs, Abra habite toujours dans sa maison familiale située dans la banlieue d’Atlanta. Depuis sa chambre d’ado, elle a récemment lancé sa propre ligne de vêtements, largement moins recommandable que sa dernière collection de chansons.
Alors que sa première tournée européenne marquera un stop à Paris ce mercredi 9 mars (rendez-vous au Badaboum), la chanteuse n’hésite pas à s’auto-proclamer « duchesse de la darkwave » sur les différents réseaux sociaux qu’elle administre sans relâche. Rien à voir avec le courant gothique dérivé de la new-wave et du post-punk : vous aurez compris que les émotions sollicitées par Abra sont plus tournées vers le délassement langoureux que vers des révérences nostalgiques adressées à Dead Can Dance ou à Bauhaus.
Rose, le magnifique premier album d’Abra, est une merveille d’alternance entre les différentes intentions qui maquillent la pop aventureuse de notre époque. Entre langueur contemplative, musique de club et production DIY, la séquence ridiculiserait presque les efforts parfois criards d’un mec comme Shamir. Vous pouvez l’écouter à volonté dans le player copié-collé plus haut. Et si vous habitez Paris, n’oubliez pas de cliquer une place pour le tout premier concert français d’Abra ce mercredi 9 mars au Badaboum. Vous en parlerez encore dans votre maison de retraite en 2066.
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