En clôture de Jazz à la Villette, le projet Afro Picks, mené par Questlove, le batteur des Roots, revisite le répertoire afrobeat, pour un concert unique dimanche. Nous avons assisté aux répétitions à New York, en compagnie de Questlove. Reportage.
New York, début du mois de septembre. C’est ici que Questlove, légendaire batteur des Roots, travaille sur le projet qu’il mène en compagnie de la Red Bul Music Academy. Un hommage à la musique Afrobeat et à Fela Kuti intitulé Questlove’s Afropicks et qui sera l’occasion d’un concert exceptionnel le 11 septembre, à la Villette. Avant les répétitions, qui ont lieu le soir, rendez-vous avez Quest dans les loges du Jimmy Fallon Show (dont les Roots sont devenus le groupe officiel). Aujourd’hui l’invitée s’appelle Marion Cotillard. Quest reçoit dans une petite pièce, tout de noir vêtu, un cœur en Légo à la boutonnière et les cheveux hirsutes.
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« C’est dans la voiture de Santigold que j’ai écouté de l’afrobeat pour la première fois, je m’en souviens très bien, c’était en 1994 si je ne m’abuse. La chanson s’appelait Everything Scatter. C’est là que j’ai compris la puissance de cette musique, son aspect politique. J’avais déjà entendu de l’afrobeat, mais sous forme de samples, chez des groupes comme X-Clan par exemple », explique Quest.
C’est en compagnie d’autres musiciens, dont le légendaire batteur de Fela Tony Allen, et du grand saxophoniste de jazz américain David Murray (qui s’est occupé des arrangements) que Questlove a pu développer ce projet. « C’était important de s’entourer de musiciens plus expérimentés, qui avaient une connaissance peut-être un peu plus profonde de l’afrobeat que la mienne. Tony a joué avec Fela, il a respiré cette musique, il l’a tenue à bout de bras. Jouer avec lui c’est aussi pour moi une façon de m’imprégner de cette époque. Quand à David, c’est un musicien absolument incroyable, il était l’une des rares personnes à pourvoir donner corps à ce projet. »
Un projet absolument pharaonique, puis que ce Queslove’s Afro Pick rassemble autour de Quest une véritable Dream Team : Amp Fiddler, Black Thought des Roots, mais aussi Mcy Gray qui sera le leader vocal de ce projet.
« Ce concert, c’est aussi l’occasion pour nous de transmettre cette musique, ses aspirations, à toute une génération de musiciens. Nous sommes tous issus de près ou de loin du hip-hop, et nous avons pu constater que d’une certaine façon le message politique qui était celui de ce courant à ses débuts a tendance à s’affaisser », note Questlove.
Le concert aura lieu à Paris, une ville que le drummer des Roots affectionne tout particulièrement. « Paris est une ville qui m’a beaucoup donné. C’est ici que nous avons connus nos premiers succès, bien avant d’être respectés aux Etats-Unis. J’y ai fait des rencontres absolument incroyables. Les gens d’IAM, et surtout Joeystarr de NTM, avec qui je passais beaucoup de temps lors d’un séjour prolongé que nous avions effectué à Paris. A l’époque NTM était le groupe le plus en vue du hip hop français, et j’étais absolument fasciné par ce type. Je lui disais toujours, vous êtes les NWA français et il se marrait. Je me souviens beaucoup de cette époque, je faisais beaucoup de découvertes musicales, des disques de musique africaine pour la plupart. Paris est une ville très ouverte, et je comprends pourquoi beaucoup de musiciens ou d’écrivains américains ont été y puiser leur inspiration. »
Véritable monument du hip-hop US, Questlove entend aujourd’hui user de cette position pour promouvoir la musique et les artistes qu’il afectionne.
« J’ai de la chance, un type comme Jay-Z m’écoute. S’il est devenu le producteur du musical qui est aujourd’hui consacré à Fela sur Broadway, c’est en partie parce que je lui ai conseillé de le faire. Je dis ça sans me vanter, je pense juste qu’aujourd’hui mon parcours, qui n’a pas toujours été facile, me permet de donner ce type de conseils. »
Quand on lui demande, rapport à son activité sur Twitter, s’il est devenue une sorte de média, Quest ne dit pas non. « J’ai beaucoup utilisé Twitter ces dernières années, car je crois que mon rôle va au-delà de la musique. Je me suis impliqué dans la campagne de Barack Obama, je suis la politique américaine. J’ai une position particulière aujourd’hui, mais ça n’a pas toujours été le cas. Je ne pense pas que l’on puisse dire que je sois un média, mais je pense aujourd’hui avoir une certaine légitimité, qui me permet de donner quelques conseils aux plus jeunes générations. »
Quelques heures après son interview, c’est en studio que l’on retrouve Quest, en compagnie de tous les autres musiciens. Tony Allen est là, David Murray aussi. Amp Fiddler est en place, les choristes aussi. Les morceaux s’enchaînent avec une grâce toute particulière. Quest et Tony Allen son chacun calés sur leur batterie. Quest tient le rythme, alors qu’Allen joue plutôt le rôle du soliste. Comme si Quest avait accepté, l’espace de ce concert, le rôle de l’élève. Il nous en parlera plus tard.
« J’apprends encore beaucoup au contact des musiciens. C’est simplement la deuxième fois que je joue avec Tony, et j’ai estimé que ce rôle lui appartenait par moments. Oh rassure toi je n’hésiterai pas à caler mon solo. C’est simplement que j’ai toujours considéré la musique comme un travail d’équipe. Jamais, parce que je suis Questlove et parce qu’on me reconnaît dans la rue je ne permettrai d’écraser un concert. Et puis, je conçois mon drumming comme une boucle, c’est peut-être les influences du hip-hop. Donc m’occuper du rythme quant Tony met la cerise sur le gâteau, je n’y vois aucun problème, c’est même du plaisir mec. »
Les répétitions se poursuivent, les rythmes africains se mêlent à des tonalités plus soul. La jeune choriste qui remplace Macy Gray lors de cette répétition est absolument incroyable. Quest l’a repérée et se régale de ses solos. Il est 23 heures à New York, les musiciens font une pause. Tony Allen démabule dans le studio, check David Murray. Questlove est discrètement dans un coin du studio, il discute avec une jeune trompettiste et une choriste. La famille Afro Picks est en place, prête à envahir Paris pour un concert qui s’annonce déjà comme l’un des évènements de l’année.
Pierre Siankowski
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