Pour les 40 ans du mouvement, le festival Rebellion a fait venir pas moins de 200 groupes. Du 4 au 7 août, on s’est donc rendu sur place pour tenter de nous fondre dans la foule de punks et de skinheads. Et essayer de savoir ce qu’il reste de la culture punk dans un monde où les Ramones sont dans les rayons H&M.
Les T-shirts des Ramones se vendent comme des petits pains dans les rayons H&M, Thatcher est très loin, six pieds sous terre et Johnny Rotten fait de la pub pour du beurre. Que reste t-il donc du punk en 2016 ? Chacun serait ici tenté de répondre : “Bah, plus grand-chose”, mais ce serait oublier une partie essentielle du mouvement, bien plus importante que l’image : la musique. Et pour se rappeler à ce bon souvenir, pas moins de 200 groupes étaient réunis sous le soleil et la pluie de Blackpool pour le Rebellion Festival. Belle occasion de fêter les quarante ans de l’une des plus importantes révolutions culturelles du XXe siècle.
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Bides à bières et mélodies pop
Pendant quatre jours, la petite ville portuaire, voisine de Manchester et de Liverpool, a ainsi été prise d’assaut par quelques milliers de punks à crête et de skinheads en bretelles. Dans les rues de briques de la cité, qui ouvrent sur une plage de parcs d’attraction rouillés, on croise ainsi quelques spécimens, en se demandant si être punk ici, ce n’est finalement pas juste porter un jean et un T-shirt.
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Dès notre arrivée, Winter’s Garden, le lieu où se déroulent les hostilités, on constate que l’événement est parti pour être un succès. Trois jours sur quatre affichent complets, et une foule affamée se presse déjà devant les stands de merchandising, avide de T-shirts représentant leurs groupes favoris. Il faut dire que le festival a convié de grands noms du mouvement, pour représenter la grande variété de genres que l’on peut trouver au sein de l’étiquette punk. Du oï au ska, de la pop sous speed au post-punk, chacun semble pouvoir ici trouver son compte, et ce n’est pas une surprise de croiser des théoriciens du genre, comme l’écrivain John King ou encore le journaliste John Robb. De Human Punk à Skinheads, les livres du premier illustrent d’ailleurs à merveille la faune du festival.
Les premiers jours, ce sont les disciples des Sex Pistols qui se voient mieux servis que leurs comparses au crâne rasé. Grâce à CJ Ramone, qui a ouvert le festival avec un chouette concert sous forme de best-of, les Vibrators (et le set acoustique de Darrell Bath), Penetration, The Damned ou encore les Buzzcocks, le ciel de Blackpool a semblé osciller au rythme des guitares saturées.
Photo Xavier Ridel
Bien-sûr, la plupart des groupes ayant débuté aux alentours de 1976 ont quelque peu vieilli. Les guitares se frottent contre quelques bides à bière, et les paroles portant sur la fameuse « blank generation » sonnent étrangement anachroniques. Heureusement, la qualité des chansons demeure. De toute part, on constate la richesse et l’ouverture artistique du mouvement. Les sessions acoustiques, organisées dans un pub de la ville, illustrent l’attrait de certains pour le folk et la country (on pense notamment à Arturo Lurker des 999, musicalement très proche de Johnny Cash). Des groupes comme Culture Shock ou les Ruts n’hésitent pas à mêler ska, reggae et punk, tandis que les Membranes ajoutent des éléments électroniques et psychés à la furie du chant de John Robb. Preuve, si besoin était, que le genre ne se limite en aucun cas à l’énergie frontale libérée par les musiciens.
Le bal des skinheads
Le nombre de crânes rasés qui se baladent entre les différentes scènes du festival est très élevé. Et on saisit très vite la raison qui a poussé autant de mecs portant bretelles, Fred Perry et Doc Martens, à se déplacer. Sur le programme, on trouve une très large quantité de groupes se réclamant de la scène Oï. Sans compter quelques formations de ska. Et beaucoup portent sur leur blouson Harrington un insigne aux couleurs du Royaume Uni, associé à quelques badges estampillés « antinazi ».
Les tatouages à l’effigie du label Trojan se multiplient aussi ça et là, largement encouragés par le stand proposant de s’encrer la peau pour 20 livres. On retrouve d’ailleurs les skinheads tapant du piedsdevant des vétérans de la scène Oï et streetpunk tels que les Cock Sparrer (qui joueront deux jours de suite) ou encore les Angelic Upstarts. Ces derniers offriront d’ailleurs l’une des plus belles prestations du festival, notamment grâce à leur hymne ouvrier Solidarity, repris en choeur par une grande partie du public. Dans le même genre, de jeunes pousses tirent également leur épingle du jeu. Parmi elles : les Lion’s Law, originaires de Paris, ou encore Booze And Glory et leurs refrains sortis tout droit de tribunes de foot.
Le festival se terminera sur un live apaisant de la formation de ska The Slackers – pour d’autres, sur une note plus rageuse avec Stiff Little Fingers. Chacun quitte l’enceinte du Winter’s Garden éreinté, avec quelques acouphènes persistants. Ce long week-end aura finalement tenu ses promesses avec une bonne dose de décharges distordues, beaucoup de houblon, et une ambiance bon enfant.
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