En replaçant la mécanique humaine au centre de la piste, les doux dingues de Que-Cir-Que rendent sa fierté à l’Homo sapiens.
Seule éclairée, une main sort du centre de la scène, puis c’est l’avant-bras, et hop, tout disparaît à la vitesse d’un élastique trop tendu. Le temps de se demander si tout cela est bien réel, apparaît alors le propriétaire du membre, un énergumène sans poils, vêtu d’un slip-boxer blanc, avec l’air abattu du cocker. Il va opérer une heure et demie durant accompagné d’un zouave mi-chevalier japonais, mi-star de pop-rock tendance Led Zeppelin, et d’une créature au dos dénudé, Barbarella de choc, sans les bottes. A eux trois, ils ont créé avec Que-Cir-Que une autre façon de faire un spectacle.
Le cirque qu’ils nous font est un hymne à l’émotion, à la sensualité, aux désordres amoureux et au rire. Pas de machineries, de filets pour prévenir les chutes, d’Auguste à chapeau pointu et de numéros qui s’enchaînent parfaitement les uns derrière les autres, ce cirque-là se joue brut de corps. Leurs « fragments de discours amoureux », ils se les jouent à coups d’accords de guitare électrique, et l’amoureux éperdu à beau faire grincer les cordes, l’objet de son désir ne répond que par grands écarts et roulades suggestives, négligemment, un rien ennuyé. Elle lui crachotera même à la figure sans qu’il ne cille, aussi stoïque qu’un garde du palais de Buckingham. Il finit par craquer et substitue la machine à la femme en entreprenant dans une roue métallique un duo amoureux sur fond de Platters, pathétique et magnifique de rage et d’impuissance. Le troisième comparse, c’est un peu le bon copain, plein de bonne volonté, qui trouve toujours des blagues pour détendre. Fantastique détourneur d’objets, poète de la roue de vélo, il invente aussi un nouvel art de passer le balai, dévoile tout le potentiel d’une chambre à air et sait se fondre dans les murs quand il le faut, régulièrement transformé en homme magnétique, à l’image des petits gadgets en forme de légumes qu’on colle sur les frigidaires.
Que-Cir-Que, c’est toute la maîtrise technique au service de l’imaginaire. Ils produisent à coups d’images décalées un rapport intime avec le spectateur qui s’y reconnaît plus sûrement que dans n’importe quel miroir. Ce Cirque, ils l’ont fondé en raclant les fonds de tiroir, apportant qui un camion, qui une caravane. Solidement épaulés par Ueliz Hirzel, producteur indépendant qui n’a pas hésité à engager ses deniers personnels pour les suivre dans cette aventure tous risques, et par Stoff Gartner, technicien, constructeur et créateur de tous les décors, ils sont libres comme l’air et possèdent la force de ceux qui n’ont de comptes à rendre à personne, sinon à leur public. Un public avec qui ils sont prêts à tout partager, y compris une bonne bière bien fraîche à la fin du spectacle, en transformant, le temps des applaudissements, le chapiteau en buvette. Que-Cir-Que sait donner et recevoir.
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