Les quatre Lillois de Club Cheval sortent « Discipline », un premier album enregistré aux Etats-Unis, qui mêle house et r’n’b et n’hésite pas à afficher ses ambitions.
Il faut de l’ambition pour mener à bien ses projets. Mais aussi des moyens. Et de tout cela, les membres de Club Cheval ne manquent pas. Aussi se sont-ils exilés à Miami pour la création de leur premier album, Discipline, qui s’est fait attendre un long moment. Un disque qui, selon les dires de Panteros666, a pour but de “battre les Américains sur leur propre terrain”. L’homme, qu’on retrouve en compagnie de Canblaster dans le sous-sol des locaux du label Bromance, à Paris dans le IIe arrondissement, s’exprime avec une assurance d’homme d’affaires. Contraste étonnant quand on est face à un musicien au look improbable et décalé (moustache et cheveux teints en bleu), et qu’on est entouré de bouteilles de gin et d’enceintes poussiéreuses.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Par “terrain des Américains”, il faut comprendre le r’n’b, genre dont le quatuor s’est amouraché il y a peu de temps. Les musiciens ont donc fait de ce style la seconde pierre angulaire de Discipline, juste après leur spécialité : la house. Dans cette optique, le groupe lillois a invité Rudy (qui a notamment collaboré avec Chris Brown et The Weeknd) à chanter sur la plupart des titres. Le vocaliste leur a été présenté par DJ Kore, producteur connu pour son travail avec des rappeurs comme Rohff et Booba dans les années 1990, et que les Français présentent comme leur “cinquième membre”. Une relation qu’ils n’hésitent pas à comparer à celle entre Radiohead et Nigel Godrich, chargé de canaliser les musiciens et d’organiser leurs idées.
Comme on pouvait s’y attendre, la production est parfaite, les voix, dont s’occupe Sam Tiba, sont traitées de manière ultramoderne et avec une précision chirurgicale, les beats de Panteros666 sont dansants et entraînants, les mélodies de Canblaster cisaillées au cutter et les samples de Myd complètent l’ensemble de belle manière. En fait, tout est parfait sur cet album, et c’est justement là que se trouve le nœud du problème. Sur Discipline, le groupe ne laisse passer aucune aspérité, aucune imperfection, choses qui rendent pourtant d’ordinaire la musique si touchante. A chaque minute du disque, on sent que la place laissée à l’instinct est infime, et que tout est contrôlé, planifié.
“Outre l’arrivée du r’n’b, il y a un autre changement important dans notre manière de procéder et de voir les choses : notre rapport à la musique. Il a fallu qu’on se cadre un peu, qu’on se mette vraiment au boulot.”
D’où le titre Discipline, car c’est ici que se trouve la fracture. Avec cet album, les membres du groupe l’expliquent : ils voient la musique comme ce qu’elle est, une discipline qui demande du travail et de la pratique. On sent effectivement derrière tout cet album un travail considérable.
“Pour un groupe, faire de la musique ne suffit plus. Il faut maintenant savoir allier le son à l’image, à la communication, beaucoup de choses sont à prendre en compte.”
Club Cheval l’a bien compris, comme en témoigne la pochette ultradesignée de l’album. “On est allés voir Etudes (un collectif de graphistes – ndlr) en leur disant qu’on voulait créer un album du futur. Ils ont tout de suite compris l’idée, et cette pochette est sortie.” Sur celle-ci, on peut voir un homme au physique eurasien qui fait face à l’objectif, tandis qu’on ne voit ses comparses que de dos. La symbolique est simple : l’ordre contre le chaos, la discipline contre l’instinct. Les musiciens, qui ont débuté dans le nord de la France derrière leur ordinateur en piratant des fichiers MP3 et en réalisant quelques mixes, ont fait depuis bien du chemin. Comme c‘est leur souhait, ils viendront assurément taquiner bientôt les Américains avec Discipline ; et nul doute n’est permis sur le succès de leur album, ni sur le potentiel tubesque de leurs morceaux. En témoignent From the Basement to the Roof ou Legends, chansons-hymnes qu’on imaginerait très bien jouées à l’entracte du Superbowl.
Cet “album du futur”, ils l’ont fait et réalisé avec brio, mais tout est lisse et rien ne dépasse, ce qu’on pourrait donc tout à fait leur reprocher. Et peut-être sentent-ils que les critiques pourraient également affluer de la part des clubbeurs, fans de leurs productions house. Les amateurs de musique spécialisée ont vite fait de tomber sur le dos de leurs idoles quand celles-ci s’orientent vers un autre style. Et les membres de Club Cheval de conclure : “Les êtres humains changent à partir de minuit – il y a l’avant et il y a l’après. Là, on a composé pour ceux qui vivent le jour.”
Concerts le 9 mars à Paris (Gaîté Lyrique), le 26 à Morlaix (Panoramas Festival), le 16 avril au Printemps de Bourges, le 7 mai à Rennes (Rock’n’Solex)
{"type":"Banniere-Basse"}