Un accordéoniste injecte un souffle et un sang sacrément frais dans la tradition du chamamé.
Ce disque a un sous-titre : Souvenirs d’une enfance aux pieds nus. Preuve qu’un gamin mal chaussé peut devenir un musicien aux mains pleines. Car l’Argentin Chango Spasiuk a de l’or en fusion dans les doigts, et cet or coule en chantant dans les soufflets de son accordéon. Sa bio officielle dit que c’est grâce à lui que le chamamé, fruit de mélanges ancestraux entre indiens Guarani et Espagnols, a pu briser la coque de mépris qui, au pays du tango roi, l’entourait depuis toujours. C’est faire peu de cas du travail de revalorisation de ce patrimoine accompli jadis par des maîtres comme Ildo Patriarca ou Raúl Barboza. Mais passons : cela n’enlève rien au génie propre de Spasiuk, et à l’émoi insensé que ses compositions provoquent. Parce que, comme avec les musiques gitanes, l’auditeur est ici autant secoué par les vents porteurs de la jubilation que par les bourrasques ravageuses de la nostalgie. Parce qu’il assiste à des échanges entre guitare, contrebasse, cordes et percussions qui tiennent autant de la conversation fine que de l’étreinte charnelle. Parce qu’il n’en revient pas d’entendre des esprits aussi savants faire parler leur cœur avec une telle ferveur. Parce qu’il se demande enfin par quel prodige les rares voix qui s’invitent à cette fête parviennent encore à relever le niveau de grâce de l’ensemble. Il paraît que les critiques ont tendance à abuser du mot « chef-d’œuvre ». Précisons que, dans ce cas, on l’utilise faute de mieux : le terme désignant un disque aussi terrassant de beauté n’a pas encore été inventé.
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