Mixant electro, hip-hop, dubstep et énergie punk, les deux Italiens de Crookers, DJ omniprésents en 2009, reviennent avec un premier album survolté. Les punks de 2010 sont là : rencontre et écoute intégrale.
Nantes, devant l’Olympic, un vendredi : ce soir on attend Crookers, le duo de producteurs et DJ le plus en vue du moment, deux Italiens qui bastonnent, auteurs du remix tonitruant de Kid Cudi Day ‘N’ Night, l’un des cartons de l’été 2009. Deux personnes ivres mortes couchées sur le sol, un type KO au milieu des poubelles secouru par un ami, une fille allongée par terre qu’on essaie de charger dans une voiture avec une difficulté certaine… Il n’est même pas minuit : des beats énormes s’échappent de la salle. Alors qu’on s’approche, deux types se font dégager par l’entrée presque cul par-dessus tête ; on les évite de justesse et on les voit s’écraser doucement sur le sol.
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Voilà longtemps qu’on n’avait pas croisé une atmosphère aussi punk. Pourtant, à ce moment-là, les Crookers n’ont pas encore sorti leur premier album, Tons of Friends, censé les placer sur la carte de l’electro mondiale. On descend en coulisses, on rit en apercevant une vieille affiche de l’Olympic avec dessus le groupe de François Bégaudeau, Zabriskie Point. Puis on tombe en coulisses sur Phra et Bot, les tauliers de Crookers, deux types de même pas 30 ans.
Il y a quelques années, le premier vendait des disques au second, et leur passion commune pour le hip-hop et l’electro a fini par les rassembler. “A chaque fois qu’il venait m’acheter un disque, c’était mon préféré du moment, alors forcément, au bout d’un moment, on a fini par causer. Et depuis, on ne s’est plus quittés”, explique Phra, grand gaillard blond ultradrôle, sous le regard amusé de son compère Bot, petit brun malicieux aux faux airs d’ailier gauche de la Squadra Azzura.
Dans les loges, on croise une fille et deux gars de Yelle, venus serrer une louche en voisins bretons à leurs copains italiens. Yelle est l’un des featurings du premier album de Crookers qui, comme son titre Tons of Friends l’indique, en compte des kilos. Voyez la liste des amis : les remuants Belges de Soulwax, la diva r’n’b Kelis, Will.i.am l’échappé des Black Eyed Peas, Róisín Murphy l’ex-Moloko, les nouveaux venus Miike Snow, Kid Cudi qui renvoie l’ascenseur, les passionnants The Very Best, Tim Burgess des Charlatans ou encore Major Lazer et Spank Rock.
[attachment id=298]Un casting de dingo, qui en aurait effrayé plus d’un, mais pas les deux Crookers. “Tous les gens qui sont sur notre disque sont des potes et chaque morceau a été conçu comme une fête. Quand on leur proposait de faire un truc avec nous, ils étaient surmotivés, nous avons donc beaucoup parié sur cette énergie.” Avec ses vingt titres, le disque est effectivement une bombonne à tubes, une usine à danser où se télescopent toutes les influences du moment – hip-hop, electro, r’n’b et dubstep – à grands coups de breaks, de boucles et de beats. Ce premier disque de Crookers, c’est Fatboy Slim avec vingt kilos de moins, Audio Bullys qui n’aurait pas sombré dans le hooliganisme… Dans la salle, peuplée de très jeunes gens, l’ambiance est à la hauteur de la venue de Crookers, dont les DJ-sets sont réputés pour leur furie.
Bot et Phra à peine aux platines, l’Olympic se met en branle. Les gamins sont un peu pétés et se télescopent sur les gros sons. Comme tout le monde, ils ont découvert le duo sur le net ; mais là, c’est la vraie vie, et entre un morceau de Major Lazer, de Boys Noize, de Radioclit ou même de Crookers itself, on se fait respecter comme à Londres en 1977. T’as dansé un peu trop près de ma meuf, bim… Quoi ? T’as frotté mon pote ? Re-bim…
Cessez d’attendre le énième retour du punk une guitare à la main : l’énergie punk aujourd’hui est entre les mains de ces deux Italiens. Ça testostérone ce qu’il faut, ça met les gens, garçons et filles, dans tous leurs états et ça donne des scènes comme on en voit peu dans les concerts : une véritable mini-émeute à chaque enchaînement et un pogo collectif qui va de gauche à droite, de droite à gauche, le poing souvent levé. Sur leurs disques comme dans leurs DJ-sets, les deux Crookers enchaînent les morceaux avec une seule idée en tête : garder le dance-floor al dente, faire monter la sauce (napolitaine) et vous remuer l’escalope (milanaise).
Démoniaque et dansant, Tons of Friends devrait être le compagnon idéal pour atteindre l’été. Un été 2010 dont Bot et Phra pourraient être les héros, sans se cacher, cette fois, derrière un remix. “Nous sommes prêts à recevoir la gloire”, plaisante Phra à la sortie de son DJ-set. Ça tombe bien, la gloire semble se diriger tout droit vers Crookers.
Album : Tons of Friends (Troisième Bureau/Wagram)
Tournée : le 2 avril à Marmande (Garorock), le 14 à Lille, le 15 à Paris (Elysée Montmartre), le 16 à Strasbourg (Artefact), le 17 au Printemps de Bourges
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