L’ultime concert de Pulp à Sheffield, prétexte à un formidable documentaire sur la ville et ses “common people”.
« Il nous a fallu du temps pour arriver ici”, souffle Jarvis Cocker aux 14 000 personnes de la Motorpoint Arena, en introduction du concert de Pulp à Sheffield le 8 décembre 2012. C’est l’ultime représentation du groupe en terres britanniques après sa reformation entamée l’année précédente ; la boucle se boucle par un adieu à la maison. “Certaines de ces chansons ont été écrites ici, mais si Common People est inspirée de quelque chose qui s’est déroulé à Londres, elle n’aurait pas pu être écrite si nous n’avions pas grandi à Sheffield”, explique encore Cocker à son public.
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Les “common people” sont le substrat des textes géniaux d’un groupe qui, maquillé en brillante machine à tubes subversifs, a décroché l’admiration massive au milieu des 90’s après une décennie de marges sombres et tordues. Ceux de Sheffield sont également l’intérêt principal, l’objet central, les sujets-commentateurs de Pulp – A Film about Life, Death & Supermarkets, documentaire réalisé par Florian Habicht relatant cette journée si particulière.
Si particulière et si normale : la gloire du groupe, cet ultime concert dont les quelques extraits sont aplatis, sabotés, normalisés plutôt que magnifiés, n’apparaissent ici que comme le numéro final d’un drôle de cirque du quotidien, l’ultime représentation de la progéniture au glamour cruel et à la pop vicieuse qu’a engendrée la terne métropole et son peuple, ses HLM usées, ses canaux industriels, ses immeubles modernes déjà vieux, ses briques anonymes, ses rues commerçantes mondialisées.
Le film est ainsi le portrait, réussi, des normalités tordues et anormalités ordinaires dont Cocker a fait la chronique crue. Autour de Pulp, on croise et on écoute (mais on ne comprend pas toujours, accent oblige) des quidams absolus et des semi-freaks, un boucher qui, sur les va-et-vient lubriques de Sheffield: Sex City, découpe à la scie la moitié d’une carcasse, des gamins et gamines comme partout, des fans transis d’amour comme de froid, la grisonnante Sheffield Harmony chantant Help the Aged dans une cafétéria morne et en choeur ironique, deux vieilles gouailleuses, un kiosquier dégénéré, des gens.
Personnages “hauts en couleur” ? Plutôt un camaïeu de gris : loin des canons lénifiants du genre, Pulp: A Film about Life, Death & Supermarkets est le spectacle intelligent, touchant et drôle d’un groupe quittant définitivement le sommet pour revenir parmi les siens.
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