Entre reconnaissance internationale et rumeur de disparition, le Printemps de Cahors tente à nouveau de concilier fête populaire et art contemporain.
le sacre du Printemps ?
Comme une troupe foraine itinérante, une vingtaine d’artistes sont invités à installer cette année encore leur Luna Park doux et dingue, absurde et dérisoire dans les rues, les docks et les vieux moulins de Cahors. De cette occupation de la ville et des esprits, il nous reste des images de l’an dernier : l’Aérofiat d’Alain Bublex ou le pétaradant Martin Kersels, obèse californien juché sur un scooter hurlant, sillonnant les rues au milieu des passants, la vidéo Hysteria de Doug Aitken, Ervin Wurm invitant les vrais gens de Cahors à quelques absurdes one-minute sculptures, et la 2CV piège installée par Roman Signer près du pont Valentré. Et tandis que Malachi Farrell faisait des remous et des bulles inquiétantes dans les eaux sombres du Lot comme s’il avait fait migrer le monstre du loch Ness, le musicien David Shea composait sur son sampler une pure séance de cinéma mental.
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C’est donc reparti pour un tour (de foire), avec un château fort labyrinthique fait en terre (Michel Blazy), des œufs d’oie plantés sur des cactus, un âne de Troie porté dans les rues par Stephen Wilks, ou encore la Dreamachine de l’Anglais Cerith Wyn Evans, installation complexe où chacun est amené à créer ses propres images mentales. Sous l’intitulé « Sensitive », la commissaire Christine Macel imagine cette année Cahors comme une vaste chambre à sensations multiples. Parmi d’autres attractions, l’étrange karaoké de Boris Achour dont l’installation sonore mmmmm diffuse dans les rues des chansons de variété interprétées par un bègue. Ou encore, pour les fins de soirées, la Heineken vision proposée par Franck Scurti : le trafic urbain vu au travers d’une bouteille de bière, avec ses bulles, sa lumière dorée, remake vidéo assez inattendu des Alcools d’Apollinaire. Qu’importe la boisson, pourvu qu’on ait l’ivresse…
Pourtant, une ombre plane sur le Printemps de Cahors : sa fondatrice, Marie-Thérèse Perrin, a annoncé l’hiver dernier qu’elle prenait ses distances et souhaitait au passage un plus vif engagement financier de l’Etat. Pour l’heure, le Printemps profite des deniers dégagés au ministère de la Culture par le passage à l’an 2000. Mais qu’en sera-t-il en 2001 ? A vrai dire, le seul reproche que l’on puisse faire au Printemps de Cahors, outre les faux airs de Festival de Cannes qu’il se donne tous les ans, c’est d’être la seule manifestation de cette sorte en France, entièrement dévouée à l’art contemporain mais capable d’attirer, en forçant un peu les chiffres, cent mille visiteurs en trois week-ends. Un petit festival en fin de compte, avec son mélange d’expositions traditionnelles et d’interventions publiques, avec son parcours lumineux qui réjouit les enfants et ses uvres parfois très conceptuelles déployées en différents points de la ville. C’est la clé de son improbable réussite : le Printemps de Cahors tient la corde raide entre fête populaire et manifestation d’art contemporain, entre divertissement pascalien et méditation cartésienne.
Ce malaise est d’autant plus bizarroïde que par un étrange décalage spatial, l’événement majeur du Printemps de Cahors se déroule cette année à Bâle : haut-lieu du marché de l’art, la foire Art Basel invite le Printemps de Cahors. Où l’on retombe sur un étrange paradoxe : au moment même où le Printemps atteint une véritable reconnaissance internationale, son avenir devient soudainement incertain.
Le pire évidemment, ce ne serait pas la disparition du Printemps (voir Cahors et mourir), plutôt sa fausse continuation (voir Cahors s’affaiblir) : une version tronquée, édulcorée où l’on se montrerait moins exigeant sur les uvres et plus attentif au commerce du spectacle et de la fête. Le mieux, c’est encore d’espérer, cette année, et les années à venir, le maintien de Cahors en première division.
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