Prince a toujours été un artiste libre et sulfureux, ce qui se ressentait également dans ses paroles. C’est d’ailleurs à lui que nous devons la création du sticker « Explicit Content ».
1984 : année orwellienne, certes, mais également celle de la sortie du Purple Rain de Prince. L’artiste, décédé ce jeudi, envoyait alors sur la planète Terre un chef-d’œuvre destiné à rester dans les annales de la musique, et qui allait se vendre à plus de 22 millions d’exemplaires. C’est alors que Tipper Gore, épouse du sénateur (mais aussi futur vice-président et prix Nobel de la paix) Al Gore, achète ce disque par hasard, à l’occasion d’une promenade avec sa fille de 11 ans. Retour à la maison, déballage du vinyle, et les pistes se lancent une par une. Soudain, en cinquième position, retentit Darling Nikki, et ces paroles :
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« Je connaissais une fille appelée Nikki
Je suppose qu’on pourrait dire que c’était une sex-friend
Je l’ai rencontrée à l’entrée d’un hotel
Elle se masturbait avec un magazine
Elle m’a dit
Comment aimes-tu passer le temps
Et je n’ai pas pu résister quand j’ai vu la petite fente de Nikki »
https://www.youtube.com/watch?v=Ryq4H6c0dqE
Le drame. On imagine aisément la mère affolée, choquée, se jetant sur sa fille pour lui couvrir les oreilles et l’empêcher d’entendre ces insanités. Toujours est-il que, dès le lendemain, Gore se rend à la boutique où elle a acheté le disque pour rendre ce dernier. Refus du vendeur, le vinyle ayant été ouvert et déjà joué. Ni une ni deux, Tipper crée la PMRC (Parents Music Resource Center) avec deux amies, elles aussi compagnes d’hommes politiques.
Susan Baker, l’épouse de James Baker (le Secrétaire au Trésor de l’époque) se joint à elle, sa fille ayant chanté Like A Virgin, de Madonna avant de lui demander ce qu’était une vierge. Le but de la PRMC est assez simple : créer un autocollant prévenant les parents que les paroles, sur un disque, étaient trop violentes ou trop libidineuses. Ou bien, simplement, bannir ledit album.
À propos de cette histoire et de Prince, Tipper Gore écrira, dans son livre Raising PG Kids in an X-Rated Society sorti en 1987 :
« Les paroles vulgaires nous ont toutes les deux (ndlr : elle et sa fille) embarrassées. J’ai d’abord été stupéfaite ; puis je suis devenue folle ! Des millions d’Américains ont acheté ce disque sans savoir à quoi s’attendre ! »
L’association publiera donc une liste de 15 morceaux diaboliques, destinés à être ornés de ce fameux autocollant, ou à être simplement bannis. Ce qui déclencha rapidement une sorte de bataille d’Hernani moderne. En septembre 1985, le Sénat se réunit pour savoir si oui ou non la mesure sera appliquée. C’est ici que naît le qualificatif de porn-rock. Frank Zappa, les Twisted Sisters et John Denver sont de la partie, et se posent évidemment en défenseurs de la liberté d’expression. En vain: le Sénat décide de créer le sticker, et de l’apposer sur tout album jugé immoral.
Ceci, toutefois (et bien heureusement), n’empêchera pas Prince de continuer à écrire des chansons au contenu plus qu’explicite. Même si le titre est sorti en 1981 (et figure sur l’album 1999), le titre Let’s Pretend We’re Married, laissé en anglais pour la sauvegarde de vos enfants, est aussi un exemple probant des paroles du chanteur :
« I wanna fuck U so bad it hurts, it hurts, it hurts
Ooh, I wanna, I wanna, I wanna, I wanna, I wanna, I wanna fuck U
Yeah, I wanna, I wanna, ooh, I wanna fuck U
Look here martian, I’m not sayin’ this just 2 be nasty
I sincerely wanna fuck the taste outta your mouth »
https://www.youtube.com/watch?v=Ck0eqZvaF6E
En 2014, Prince avait pourtant décidé de ne plus chanter de paroles au contenu sexuel. Mais cela était dû à une réflexion personnelle, que l’artiste avait ainsi partagé :
« Avez-vous déjà entendu Mohammed Ali jurer ? Jureriez-vous en face de vos enfants ? De votre mère ? (…) Nous devons traiter tout le monde de manière royale. »
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