Le bilan de cette première journée à Barcelone avec James Brown en invité surprise.
James Brown à Primavera
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Cette année, le Primavera Sound Festival a commencé dès l’ouverture de la portière du taxi. A l’intérieur : un chauffeur, complètement taré, totalement désintéressé des limitations de vitesse et beaucoup plus concentré sur l’extrême précision de ses danses d’épaules subtilement chorégraphiées sur l’intégrale de James Brown qui bastonne l’habitacle. Que des tubes. L’horloge affiche sept heures du matin et l’aéroport d’Orly apparaît comme un mirage au terme d’une course folle marquée par quelques commentaires plus ou mois bien senti sur la carrière du Godfather of Soul, l’importance de mentir aux femmes pour qu’elles tombent amoureuses… et celle de profiter au maximum de l’année 2015 « puisqu’il ne devrait pas y en avoir une autre ». Plaquées sur les dernières notes de Try Me, les deux tiers de ces réflexions font sens. La portière claque, le concert de James Brown prend fin, check-in, décollage, atterrissage.
La chaleur de Barcelone chasse rapidement le souvenir froid du terminal Ouest d’Orly. Et à bien observer la farandole de T-Shirts croisés dans le métro (le traditionnel Unkown Pleasures de Joy est plus répandu que le maillot de Lionel Messi), on comprend rapidement qu’une certaine jeunesse d’Europe a misé sur la Catologne pour mettre en musique ce dernier week-end du mois de mai. Du Museu Blau aux gigantesques panneaux solaires qui dominent la Méditerranée, le site du festival propose une architecture futuriste verticale qui tranche avec le fourmillement horizontal des festivaliers.
Viet Cong et la sono en flop, Ought, Tyler et Jungle au top
Pas de grosse tête d’affiche pour le véritable coup d’envoi du festival (l’ouverture officielle avait lieu la veille avec un cool concert d’Albert Hammond d’après les souvenirs embués de certains fans) mais un début de programmation prometteur du côté de la scène Pitchfork. Très attendus, les Canadiens de Viet Cong se noient malheureusement rapidement dans les errements techniques de la sono. Les crissements de guitare peinent à sortir proprement et le leader du groupe semble perdu entre sa volonté d’en découdre et la puissance de son jeu de basse forcément étouffée par les circonstances. Si bien que c’est le batteur qui domine la prestation des Canadiens. Le public bouge un peu sur Continental Shelf avant de se rendormir. Et la tuerie promise par leur très bon concert au Point FMR n’a finalement pas lieu.
Baigné par la même torpeur sonique, le début du set des Montréalais de Ought laisse poindre quelques frissons d’angoisse. Mais guidés par le charisme minimaliste de Tim Beeler, guitariste, chanteur et leader déchaîné (postillonneur aussi, le premier rang a hésité à sortir les parapluies), les musiciens parviennent à emporter le public dans les nervures de leur post-punk rétrospectif. Mention spéciale aux coupures de rythme bien senties lorsque la guitare s’interrompt et que la voix de Beeler affronte la batterie dans un combat frontal et puissant qui rappelle la classe de Girl Band le week-end dernier à Villette Sonique. En Irlande et au Canada, le rock est toujours jeune et délicieusement primitif.
Primavera a toujours privilégié le rock au hip-hop. Et c’est parfois bien dommage. Alors que l’édition 2014 avait été marquée, de façon indélébile, par le concert d’un Kendrick Lamar au sommet de sa forme, 2015 devra se contenter du show, certes nerveux, de Tyler, The Creator. Si le sale petit kid du collectif Odd Future, connu pour exploser tous les records sur l’échelle de la zinzinitude, n’a pas le band de Lamar, ni sa force brute, il déroule un set agressif et transgressif, rythmé par les éructations de sa voix gouailleuse. Du hip-hop moulé dans un gant de boxe et irradié par le soleil californien.
Pour ceux qui ne se sont pas perdus dans la « géode », cette scène en bord de mer où se succèdent des dj-sets hypnotiques, taillés pour l’après-minuit, Pitchfork accueillait les Simian Mobile Disco. Depuis leurs débuts en 2005, les Suédois ont fait du chemin sans jamais vriller, ni perdre de vue leur identité stratosphérique, qui flirte autant avec la pop que l’électro, le tube le plus mainstream (pour ne pas dire FM) et la pépite la plus indé. Il faudrait être neurasthénique (ou président du fan club de Fleet Foxes) pour ne pas céder corps et âmes à leur set énergique et bouleversant, aussi efficace qu’un chupito.
Il nous faut par la suite remonter une bonne partie du gigantesque site du festival absolument blindé cette année, pour assister au concert de Jungle. Impossible de manquer les Londoniens, dont les concerts en première partie de Pharrell Williams et au festival Pitchfork en 2014 nous avaient mis une grosse claque. Leur show barcelonais est à la hauteur de nos espérances: ultra-produit (beaucoup trop pour certains), milimétré, laissant peu de places à la spontanéité et encore moins à l’improvisation, mais ultra tubesque, jouissif, explosif même. A l’image de cette quinzième édition.
Ce vendredi soir, la programmation monte en puissance avec notamment The Pastels, Julian Casablancas + The Voidz, Patti Smith, Ariel Pink et Ride.
Azzedine Fall et Carole Boinet
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