Retour sur dix grands moments de l’édition 2014 de Primavera Barcelone. Avec la déception Arcade Fire, les grosses claques infligées par Darkside et FKA Twigs, Jagwar Ma plus fort que les conditions et une grosse baston d’Écossais.
FKA Twigs, surhumaine
Les clips ultra-réalistes de FKA Twigs, sonnaient comme un avertissement mais la jeune Londonienne a soufflé tous les spectateurs de la scène Pitchfork vendredi soir. Grosse claque visuelle et fascination infinie pour son étrange charisme et sa prestance inédite grandie par des références variées. De Tricky à TLC, de la danse du ventre à l’apocalypse, de la culture maya aux héroïnes de mangas, FKA Twigs a imposé un choc d’images et de sons, un minimalisme outrancier de tous les instants assumé dans le moindre de ses mouvements. Bien plus qu’une chanteuse, une apparition.
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Jagwar Ma, plus fort que les conditions
Okay, le son du concert de Jagwar Ma était encore plus croupi que la boue dégueulasse dans laquelle on a piétiné dans les premiers rangs de la scène Ray-Ban. Bien que privés de leur valeur absolue, les Australiens ont réussi à exciter le délire des festivaliers les plus réveillés à 3h du matin. L’album Howlin est une tuerie, toutes les chansons démontent, et leurs versions live réveillent l’esprit Madchester partout où elles résonnent, de Paris à Barcelone. Immanquable ce dimanche après-midi (7 juin) pour faire tomber une aurore boréale sur Villette Sonique (concert gratuit).
La baston menée par les Écossais pendant Ty Segall
Personne n’a reconnu les chansons de Ty Segall et c’est tant mieux. L’énergie barbare déployée sur scène a inspiré une troupe d’Écossais spécialement venue de Glasgow pour en découdre sur fond de reverb et de flanger. On a aussi vu Ty sauter dans la foule avec sa guitare sanglée autour du coup – manquant ainsi la mort par strangulation une bonne quinzaine de fois dans la mer de bras tendus pour l’agripper. Héros en sursis.
Cet Écossais a repoussé tous les mecs qui ont osé s’aventurer sur son territoire (le premier rang). Apparemment, il n’était pas là le lendemain pour le deuxième concert dans la salle de l’Apollo.
http://youtu.be/u2Z1n2lt21k
Earl Sweatshirt, jeunesse au pouvoir
Introduit par son dj ultra détendu et que l’on soupçonne d’être né en l’an 3 après Illmatic, Earl a fait la travail sur la scène Pitchfork samedi soir. Ce mec marche en canard, donne des concerts en short de bain, porte des polos small qui flotte sur ses épaules comme un triple XL mais rappe avec une aisance insolente. Concert mortel, malgré un zapping de sons sans répit et une prestation en accélérée pour rentrer à l’hôtel en express et assurer (ou pas) We Love Green le lendemain à Paris.
Kendrick Lamar: bounce, bounce, bounce
Le premier gros plus de Kendrick Lamar est d’avoir troqué le dj qui accompagne habituellement les rappeurs sur scène pour un groupe live, ce qui change à peu près tout. Son deuxième gros plus est d’être une véritable bête de scène, du genre à débouler en attaquant son album direct, sans plus d’introduction. Samedi soir, le Californien a multiplié les allers-retours, a balancé des « Bounce, bounce, bounce… », a cherché à évaluer qui de la gauche ou de la droite du public criait le plus fort, a expliqué que Barcelone lui rappelait Compton (banlieue chaude de Los Angeles d’où il est originaire) car l’atmosphère y sent également la weed à plein nez. Parfois, il s’est arrêté en plein milieu de la scène, accroupi, attendant que la foule hurle suffisamment pour le faire repartir. Les tubes, eux, se sont enchaînés: Backseat Freestyle, Bitch Don’t Kill My Vibe, The Art of Peer Pressure, Swimming Pools…. Kendrick a pris quelques libertés bienvenues: commencer m.A.A.d city par la fin, ralentir The Recipe, son duo avec Dr Dre (qui, non, n’était pas là). Tout aurait été parfait s’il ne s’était barré aussi brusquement, après avoir fait répéter au public « I will be back». Naïfs, on pensait tous qu’il était parti changer de casquette. Mais non.
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Arcade Fire: petite déception
On avait imaginé un concert idyllique. On se voyait les bras en l’air, des paillettes tombant du ciel, le sourire aux lèvres et l’esprit fou. Et c’est ce qui s’est passé pendant les trente premières minutes du concert. Un étrange monstre aux allures de boule à facettes planté en plein milieu de la foule en guise de totem, Win Butler et sa bande ont tout bonnement balancé tous leurs tubes. Au début c’était plutôt agréable, une sorte de medley jouissif où se mêlaient Rebellion (Lies), The Suburbs, Haïti… Leur dernier album, Reflektor, apparaissait par petites touches, ici Joan of Arc, là Afterlife. La foule dansait, sautait, hurlait. Nous aussi. Mais, au bout d’une demi-heure et quelques, ce qui était une belle rétrospective discographique s’est transformée en un gigantesque foutoir sans ligne directrice. Grosse erreur de setlist. Pas assez fort (augmentez le volume l’année prochaine, merci), le son ne portait personne. Certains ont même trouvé qu’Arcade Fire ressemblait à la Compagnie créole. Incroyable mais vrai, on est partis avant la fin, dépités.
http://www.youtube.com/watch?v=hTxX7FB2dug
Darkside: la grosse claque
Si la perspective de voir Arcade Fire à Primavera nous avait collé des frissons d’excitation, celle de voir Darskide en pleine nuit et en plein vent nous laissait beaucoup plus perplexes. On avait faux sur toute la ligne : 1)Arcade Fire, c’était pas terrible ; 2) Darskide est surement un des plus beaux concerts qu’on ait vus depuis le début de l’année. Installés sur les immenses gradins en béton avec une vue royale sur la scène Ray-Ban, on a assisté, fascinés, à la folle rencontre de Nicolas Jaar et Dave Harrington. Plongés dans une obscurité quasi-totale, leurs silhouettes dessinées par deux spots blancs situés à l’arrière de la scène, Jaar et Harrington ont alterné transe interstellaire type Gravity et déflagrations hyper dansantes. Le premier, dj et producteur installé à New York, n’a que 24 ans mais maîtrise totalement l’électro spatiale et le chant divin. Le second, bassiste new-yorkais, s’est vu transformer en guitariste fou par son compère, rencontré à l’université. Bref, Darskide est une claque, ce genre de groupe magistral dont le live vous hante pendant des semaines, des mois, voire, allons jusque-là, des années.
http://www.youtube.com/watch?v=TWL6z8AMan8
Blood Orange x Conna Mockasin = amour étrange
En ce moment, Connan a un peu envie de choper tout le monde. Ici Mac DeMarco, samedi soir : Dev Hynes de Blood Orange. Le charmeur de guitare s’est invité pour la dernière chanson du concert le temps de jouer au mime Marceau en faisant semblant de jouer de la guitare au bord de la scène et en bougeant la tâte de droite à gauche de façon hypnotique. Visiblement dans un état second, voire tertiaire, voire quaternaire… Connan Mockasin est sorti subitement de sa léthargie éthylique en fin de concert pour miauler pendant une trentaine de secondes contre la joue de son meilleur pote du soir. Dans le même temps, Dev Hynes répétait à tue tête « I want to fuck you like an animal », sur la production mortelle de Time Will Tell. Le meilleur moment d’un concert gâché par de gros problèmes de sons.
Lunice: moite et sauvage
Quel meilleur endroit pour assister à un concert de Lunice que la Boiler room, salle de concert éphémère en forme de petite géode blanche ? C’est dans cet étrange endroit moite et hors du temps, où la scène a tendance à se fondre dans le public, que Lunice, Montréalais de 26 ans échappé de TNGHT (duo qu’il forme avec Hudson Mohawke) s’est appliqué à déglinguer une centaine de festivaliers. Là, les esprits se sont échauffés, les pieds se sont déliés, les chorégraphies tendance twerk sauvage ont explosé. Car le dj fait dans le rap, le gros rap qui claque. Un doux moment de magie duquel on est ressortis les jambes claquées et la tête en vrac.
Pond : psychédélisme sur fond de coucher de soleil
Certes, les mecs de Pond n’étaient pas bavards. Du genre, on est là pour jouer pas pour refaire le monde. Mais on leur pardonne, tellement leur psychédélisme barré prend encore plus son sens sur scène que sur album, perdant un peu son côté pop glamour pour se faire résolument rock, sauvage, frontal. Pour une fois, l’horaire de passage (19h45) était tout simplement parfait : le soleil déclinait, illuminant le grand ciel bleu de jolies teintes rosées, tandis que les guitares faisaient dans le fuzz et les jolies boucles. Rappelons-le : ils partagent plusieurs membres (cela varie selon les concerts et les albums) avec le groupe Tame Impala, également australien et signé chez Modular.
http://www.youtube.com/watch?v=BADYXNtN0PE
Carole Boinet et Azzedine Fall
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