Bien avant qu’il ne soit reconnu comme écrivain majeur et ne devienne un phénomène de l’édition, Michel Houellebecq avait commencé à travailler avec Bertrand Burgalat, musicien dandy, producteur et fondateur de Tricatel. La précision est d’importance : Elle permet de couper court aux possibles railleries des îlotiers chargés de la surveillance culturelle (“opportunisme”, “association à but lucratif”, […]
Bien avant qu’il ne soit reconnu comme écrivain majeur et ne devienne un phénomène de l’édition, Michel Houellebecq avait commencé à travailler avec Bertrand Burgalat, musicien dandy, producteur et fondateur de Tricatel. La précision est d’importance : Elle permet de couper court aux possibles railleries des îlotiers chargés de la surveillance culturelle (« opportunisme », « association à but lucratif », « extension du domaine de la pute ») face à cet objet très tendance. Précisons enfin qu’il ne s’agit pas totalement de chansons écrites par Houellebecq mais, pour la plupart, de mises en situation sonore de poèmes extraits des recueils Le Sens du combat, Rester vivant et Renaissance. Houellebecq récite avec un minimum d’effets labiaux des vers solitaires dont on n’a pas mesuré la tectonique fulgurance depuis longtemps. Agent d’ambiance, Burgalat n’a eu aucun mal à leur fournir un écrin-crin sur mesure : musique des alentours de gare ou de zones de transit d’aéroport. Guitares funky riquiqui, basses alourdies comme des bourrelets de chair triste, synthés très Orly 76, cocktail-music coupée à l’aspirine tiède : une musique idéale pour un disque sinistre et confortable, triste et drôle à la fois, à la langue totalement désinhibée. Le buffet froid de Houellebecq exhale sur la musique concoctée sur mesure par Burgalat des mots implacables. Implacables comme un ventilateur brasse à la fois l’air et les microbes, la poussière et le vent, avec cette menace de se décrocher en permanence pour couper les têtes, transformer la sieste en bain de sang. En Linton Kwesi Johnson balnéaire et usé, en Kerouac des tourismes inavouables, Houellebecq assène sa prose. « Le poète est celui qui se recouvre d’huile », dit-il sur Séjour-club. Ni le goudron ni les plumes n’auront de prise sur lui.
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