Visite guidée des pavillons canadiens, français et allemand primés par le jury lors de l’ouverture de la 49e édition de la Biennale d’art contemporain de Venise.
C’est par l’annonce du palmarès que la 49e édition de la Biennale de Venise a officiellement ouvert ses portes au public dimanche 10 juin. Au-delà de la décevante exposition Un plateau d’humanité imaginée par le maestro Harald Szeemann et l’habituel enthousiasme suscité par chaque pavillons nationaux, le jury, composé de quatre commissaires d’exposition dont Manray Hsu et Hans Ulrich Obrist, n’a pas fait de coup d’éclat. En distinguant les Canadiens Janet Cardiff et George Bures Miller, le français Pierre Huyghe, et l’Allemagne pour sa participation, le jury s’est contenté d’un palmarès consensuel, et a récompensé trois types d’ uvres bien distinctes exposées dans les pavillons nationaux du Giardini di castello.
Prix spécial pour les Canadiens Janet Cardiff et George Bures Miller. Pourtant, la visite du pavillon canadien commence très mal. Imposant au spectateur de se mettre en rang deux par deux dans une file d’attente interminable digne d’un parc d’attractions, des hôtesses à l’accent nord américain expliquent bon gré malgré que l’installation de Janet Cardiff et George Bures Miller n’accueille que 17 spectateurs. L’horreur, le cauchemar, l’impression d’être pris au piège dans un Disneyworld de banlieue parisienne Une fois entré dans l’enceinte du pavillon, il faut encore déposer son sac, prendre un reçu, et, afin de ne pas perturber le bon déroulement de la séance, écouter une nouvelle fois les explications catégoriques des hôtesses qui expliquent le fonctionnement de l’installation. Se présentant dans un caisson, la pièce de George Bures Miller est une salle de cinéma miniature au décorum fastueux de la grande époque des projections dans les salles d’opéra ou de théâtre. Une fois les sas fermés, la séance peut commencer : l’assistance est plongée dans l’obscurité et affublée d’un casque audio personnel. Tandis que sur l’écran défilent des images d’une série B (une histoire d’amour entre une infirmière et un patient), les casques audio de chaque spectateur diffusent une autre histoire : une lente dérive entre la réalité du film projeté et une spectatrice étourdie qui a laissé sa plaque de gaz allumée. De glissement de terrain, en perturbation des sens, Janet Cardiff et George Bures Miller perturbent les bons spectateurs de cinéma que nous sommes habituellement.
Au-dessus de tout, dans une autre galaxie, le pavillon français investi par Pierre Huyghe et l’équipe du Consortium impressionne. La salle centrale du bâtiment transformée en un terrain géant accueille au plafond un Pong lumineux. Entre simple mixte et addicts de jeux vidéo, la salle s’illumine à la mesure des coups magistraux des spectateurs jusqu’au tilt final. Dans les pièces annexes, Pierre Huyghe expose deux nouvelles vidéos : Les grands ensembles, une vue imprenable sur une barre d’immeubles la nuit, et les dernières aventures d’Ann Lee. Sous les traits d’une ado pensive, le personnage de manga ressuscité par l’artiste français avance dans un paysage désertique, lunaire, avec en fond sonore la voix de l’astronaute Neil Amstrong qui compose petit à petit des incidences topographiques. Un paysage mental qui laisse rêveur.
Dans un genre plus autoritaire, le pavillon allemand accueille la maison infernale de Gregor Schneider. A l’entrée il faut signer une décharge au cas où il nous arriverait un quelconque incident. « Vous avez signé ? », insiste un gardien. Si dehors on ne rigole pas, dedans c’est une autre affaire : des dizaines de portes à ouvrir, des sorties à trouver, d’impensables passages à franchir Dans son domaine, Gregor Schneider nous mène par le bout du nez. La visite tourne vite au défi : se faire plus maigre que possible pour passer dans d’étroits couloirs, maîtriser ses angoisses enfantines d’exploration de la cave Une installation autoritaire (et ludique comme un train fantôme, avec une seule idée en tête : l’envie de tout explorer, tout découvrir, de la cave oppressante jusqu’au dernier étage insoupçonné.
Palmarès complet de la 49e édition de la Biennale de Venise
Prix spécial : Janet Cardiff et George Bures Miller (Canada), Marisa Merz (Italie) et Pierre Huyghe (France).
Prix spécial pour les jeunes artistes : Federico Herrero (Costa Rica), Anri Sala (Albanie), John Pilson (Etats-Unis) et A1-53167 (Guatemala).
Lion d’or de la meilleure participation : pavillon allemand (Gregor Schneider).
Mentions spéciales : Yinka Shonibare (Grande-Bretagne), Tiong Ang (Indonésie), Samuel Beckett-Marin Karmitz (France) et Juan Downey (Chili).
Lion d’or de l’art contemporain : Richard Serra (Etats-Unis )et Cy Twombly (Etats-Unis).
A venir dans le n°296 du 26 juin des Inrockuptibles, un dossier complet sur la Biennale de Venise.
Jusqu’au 4 novembre, Giardini di Castello.
Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures. Le samedi de 10 heures à 22 heures.
Tél : (00-39-041) 521-87-11.
www.labiennale.org