Et si toute autobio comptait des mensonges ? Ce n’est en tout cas pas celle de Keith Richards qui nous contredira.
Au vu de la stratégie narrative adoptée par Keith Richards dans son autobiographie, on prendra le pari qu’au nombre des livres contenus dans sa superbe bibliothèque figure un exemplaire des Histoires extraordinaires d’Edgar Poe. Et qu’ayant assimilé la leçon de La Lettre volée, ce conteur chevronné sait que la meilleure façon de dissimuler un secret est encore de l’exposer aux yeux de tous.
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En exhibant, dans un prologue du plus haut comique, « les insécurités » qui, en 75, auraient poussé Mick Jagger à chevaucher en concert un zob format zeppelin, Keith évacue l’évidente source de ces mêmes insécurités – cette année-là, le chanteur du « plus grand groupe de rock’n’roll du monde » monte pour la première fois sur scène en ayant à sa droite un bras cassé (Ron Wood) et à sa gauche un junkie décati (Keith lui-même). Car si « bite gonflable géante » il y eut, ce fut avant tout pour faire oublier des guitares flasques.
Des dizaines d’enregistrements pirates en témoignent : loin d’être, ainsi que le prétend Life, « le groupe le plus dangereux du monde », les Stones des mid-70’s sont surtout dangereux pour le rock lui-même, dont les riffs raplapla et les solos scorbutiques de leur guitariste illustrent alors l’effroyable descente aux enfers.
Lors des concerts donnés en juillet au Forum de LA, le seul instant de réelle émotion verra Mick foncer vers Keith, quasi incapable de se souvenir des paroles de Happy, pour lui entourer du bras les épaules et, en bon fils de prof de gym qu’il reste, ramener à la surface son pote au bord de la noyade.
Les sarcasmes dont Keith gratifie aujourd’hui son partenaire d’un demi-siècle rappellent ainsi que, dans leur guerre des ego, une bonne action ne saurait décidément rester impunie.
Bruno Juffin
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