Certains voient en lui le nouveau Lil Wayne, Drake l’admire, Kanye West le compare à Bob Marley… Le phénomène Young Thug débarque pour la première fois en France, dans le cadre du Festival Rock en Seine. L’occasion de revenir sur les débuts fracassants de l’insaisissable rappeur d’Atlanta.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, Young Thug n’a pas encore sorti de vrai album officiel (d’abord annoncé comme tel, son dernier projet, Barter 6, a été relégué au vulgaire rang de « mixtape » par l’intéressé). Depuis quatre ans, le rappeur de 23 ans est pourtant omniprésent. Et il ne se passe pas une semaine sans qu’il ne fasse parler de lui, en lâchant un morceau gratuit, une tape, une vidéo déconneuse sur Instagram ou en arborant une spectaculaire robe panthère . « Chaque fois que je m’habille ça devient putain de viral », fanfaronne-t-il avec raison sur la tuerie Halftime.
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Mélange improbable de rockstar glam et de gangsta-rappeur
Dernièrement, le jeune homme a passé 24 heures derrière les barreaux pour avoir proféré des « menaces terroristes » à un vigile d’un centre-commercial d’Atlanta, tandis qu’on retrouvait de la coke, de l’herbe et des armes à son domicile. Bref, par son style contradictoire et son quotidien désaxé, Thugger est un rappeur symptomatique des années 2010 qui déborde largement du simple décor de la musique.
Sur la foi d’une poignée de singles à succès (Danny Glover, Stoner, About the money et Lifestyle), Thugger fait son beurre en tournée, tout en occupant le terrain discographique en larguant un projet gratuit tous les deux ou trois mois. En 2014 par exemple, Thugger affichait un total de sept mixtapes, dont trois en solo. Malgré cette hyperactivité, on connait mal le bonhomme. Difficile de savoir qui se cache derrière ce look excentrique fait de dreads péroxydées, de jeans ultra-slims et de tatouages faciaux, mélange improbable de rockstar glam et de gangsta-rappeur.
Car le prolifique MC a beau noyer lnternet sous son flow aqueux, il ne lâche rien ou presque en interview. Le mec préfère causer en cercle restreint, de préférence en famille. Rien à voir avec un Kendrick Lamar par exemple, autre surdoué de l’époque, mais dont la personnalité s’exprime à travers un discours conscient (du monde et de lui-même), parfaitement intelligible et articulé, aussi bien dans ses lyrics saturées de références sur la culture afro-américaine que dans ses brillantes interventions médiatiques.
Young Thug, lui, n’a rien d’un prêcheur. Bien malin en effet, celui capable de comprendre ce que veut dire Thugger sur certains morceaux. L’aide de Rap Genius ne servant pas forcément à grand chose dans pareil cas. Mais son talent s’exprime différemment. Plus spontané que réfléchi (il affirme avoir écrit son génial banger Danny Glover en moins de 8 minutes), plus musical que lyriciste, Thug appartient tout simplement à une autre tradition.
Celle de Gucci Mane, et sa « trap » caverneuse ouvrant vers des sous-sols psychotiques salement enfumés, et celle de Lil Wayne bien sûr, rappeur louisianais auquel il emprunte un flow mi-chanté mi-marmonné d’une folle liberté. Son stream of conciousness bardé de visions obsessionnelles (métaphores à base de Shar Pei, de pizzas et de diamants) zigzague entre les « blocka blocka », les « bippoty-bop » et autres onomatopées en « b » dignes d’un scat de jazz.
Avec Barter 6, Young Thug a encore un peu plus radicalisé son style. Les instrumentaux jusqu’alors agressifs et pesants, typiques de la trap music, ont laissé place à un décor étonnamment dépouillé. Lunaire. Au milieu de ces beats minimalistes brille enfin pleinement le joyau de Young Thug : sa voix élastique qui, ainsi délestée, peut jouir sans entrave de son pouvoir de lévitation. Son timbre cartoonesque se confond parfois avec l’autotune, mais s’en échappe aussitôt sans crier gare.
« Que la famille »
Car Young Thug joue avec le logiciel de correction vocale comme un acrobate avec son trapèze. Soumis aux sautes d’humeur imprévisibles du MC-crooner, l’organe vocal fait le grand huit, au diapason de lyrics alternant braggadocio, prises pharaoniques de psychotropes en tous genres et dédicaces à sa maman. Oui, Thugger est resté très proche de « Mama Duck » comme il aime la surnommer. Elle l’a élevé lui et ses 10 frères et sœurs à Jonesboro, l’un des quartiers pauvres du Sud d’Atlanta. Quand il était en école primaire, son aîné Bennie s’est fait descendre en pleine rue. Un autre de ses frères est actuellement en prison pour meurtre. Il leur offre des voitures, des maisons, et leur rend hommage à tous, un par un, dans le morceau « OD », répétant inlassablement qu’il fait tout ça pour eux. #QLF.
https://www.youtube.com/watch?v=XQaEJ9pO6II
Si la figure paternelle semble absente, la carrière de Thugger ne manque pas de pères de substitutions. Gucci Mane d’abord, qui l’a repéré en 2013 : Thugger s’est d’ailleurs fait tatouer un cornet de glace sur la pommette en hommage à son mentor. Puis Birdman : le charismatique patron de Cash Money Records en a fait son nouveau poulain, à la place d’un Lil Wayne déclinant. Ce qui n’a pas plu à ce dernier, bien sûr, d’autant qu’au moment où Weezy était en embrouille avec Birdman pour sortir son album Carter 5, Young Thug a cru malin d’intituler son projet d’album Carter 6.
La suite, on la connait : menaces de procès, piques par morceaux et déclarations interposés, fusillade du bus de Lil Wayne. Le tour manager de Young Thug a même été incarcéré. Même si le nom du disque a finalement été changé, Lil Wayne n’y peut rien : le Jeune Voyou a pris la place de son ancienne idole. Et sans doute pour longtemps. Sa première date en France ce samedi pour l’édition 2015 de Rock en Seine pourrait bien confirmer la prémonition.
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Young Thug en concert à Rock en Seine ce samedi 29 août
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