Aaron Maine et sa bande opèrent un retour à cœur ouvert et la chair à vif.
Depuis l’inaugural Slow Dance in the Cosmos (2013), Aaron Maine a toujours maîtrisé l’art du dépouillement. De l’épure lo-fi des enregistrements de son amie Frankie Cosmos auxquels il a participé au groove essentialisé de ses deux précédents disques, la tête pensante de Porches se déploie dans la soustraction. Une tournure oxymorique qui plairait sûrement au New-Yorkais, tant son approche du songwriting convoque dichotomies et autres ambivalences. D’ailleurs, Ricky Music est l’exact reflet inversé de son prédécesseur, The House (2018).
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Un patchwork flottant nécessairement éclaté
Là où The House, pourtant composé dans l’intimité de son home studio de la Grosse Pomme, s’ouvrait sur l’évocateur Leave the House, ce nouvel album, élaboré entre New York, Los Angeles, Chicago et l’Europe, procède plutôt d’un métaphorique retour au bercail. Car si le casanier The House explorait plus en profondeur la veine club amorcée par Pool (2016), Aaron Maine embrasse de nouveau ses premières amours indie pop sur Ricky Music. Un retour aux enregistrements moins léchés mais toujours aussi équivoques.
De l’aveu de son compositeur, ce quatrième lp est en effet né d’une de ces périodes troublées où les sentiments antagonistes se bousculent. Une confusion parfaitement synthétisée par le refrain caustique du single, Do U Wanna : “I’m so happy/I could die.” Epaulé çà et là par Devonté Hynes (Blood Orange), Mitski ou Zsela, Ricky Music livre moins un journal intime qu’une cartographie mentale de la période écoulée, un patchwork flottant nécessairement éclaté, parfois contradictoire. Une collection de morceaux délicieusement dissemblables, de chansons sorties d’usine aux titres pour le moins programmatiques : Lipstick Song, PFB (pour Pretty Fucking Bad), Fuck_3, Wrote Some Songs.
D’un Madonna plutôt influencé par Can’t Get You Out of My Head de Kylie Minogue que par la Ciccone, de l’urgence gouailleuse de PFB, du Badalamenti qui aurait composé le générique de Seinfeld plutôt que de Twin Peaks (Lipstick Song), de l’instru rap cabossé de I Can’t Even Think en passant par le r’n’b sublime de Patience, Ricky Music échappe au misérabilisme avec ce qu’il faut de dérision et d’optimisme. A cœur ouvert et la chair à vif, Aaron Maine signe onze morceaux pareils à cette humeur, dépouillés et dévoilant leurs mécanismes apparents.
Album Ricky Music Domino/Sony Music
Concert Le 20 mai, Paris (La Maroquinerie)
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