Depuis peu, la musique noise (ou bruitiste) est le lieu privilégié de recherches nouvelles. Dans la continuité historique de l’indus, mais aussi du japanoise des sons saturés et agressifs de Merzbow, de nouvelles têtes apportent en ce moment même leur pierre à l’édifice. Celles-ci, dont beaucoup sont d’ailleurs nippones, semblent ne plus s’opposer au monde […]
Depuis peu, la musique noise (ou bruitiste) est le lieu privilégié de recherches nouvelles. Dans la continuité historique de l’indus, mais aussi du japanoise des sons saturés et agressifs de Merzbow, de nouvelles têtes apportent en ce moment même leur pierre à l’édifice. Celles-ci, dont beaucoup sont d’ailleurs nippones, semblent ne plus s’opposer au monde qui les entoure comme le fit autrefois Throbbing Gristle, dans une critique virulente de la société du spectacle inspirée par les situationnistes. Au contraire, leur approche est plus zen, et ces musiciens ont été réunis ? quelque peu artificiellement ? par la critique britannique sous la bannière du mouvement Onkyo (qui veut dire qui ne s’intéresse qu’au son’) ou réductionniste (afin de traduire la méthode de nouveaux venus qui procèdent par soustraction plutôt que par accumulation). Parmi eux, Toshimaru Nakamura et Jason Kahn sont deux figures très en vue, alliées au sein d’un projet commun, Repeat, dont le troisième album est probablement l’un des plus passionnants de l’electro actuelle.Plutôt que de continuer la guitare, et sans doute influencé par sa formation de designer sonore, Toshimaru Nakamura a préféré une option singulière : il joue de la table de mixage et réussit la prouesse de n’entretenir aucune parenté avec les sorciers jamaïcains du dub.
Car sa table n’a rien à mixer, puisqu’elle n’est connectée à aucune source extérieure, approche sans précédent de la chose. Détournant la technologie de son usage, Nakamura, en amplifiant le feedback de sa console, offre à entendre des bribes de vie acoustique jusque-là insoupçonnées dans le cœur d’une machine ! Qui plus est, le Japonais a trouvé en Jason Kahn le partenaire idéal. Ancien batteur de jazz, cet Américain résidant en Suisse a définitivement abandonné son kit au profit d’une poignée de percussions diverses (cloches, cymbales), reliées à un ordinateur
portable générant des boucles et des ondes sinusoïdales qui occupent l’espace d’une manière évoquant le côté mystérieux et envoûtant de la musique traditionnelle balinaise. De la même façon que ce duo s’emploie à échafauder des ambiances sonores qui tendent vers l’épure et fonctionnent sur des rythmes organiques et des temporalités inédites, l’auditeur sera bien inspiré d’en écouter le résultat phonographique comme il le ferait avec du Morton Feldman : à faible volume sonore. Ce n’est qu’alors qu’il sera petit à petit submergé par une musique captivante bien qu’étonnamment discrète, dont le tissu d’harmoniques et de fréquences, d’une richesse infinie, est une invitation au voyage immobile au cœur du son.