Toujours plus fous, toujours plus ambitieux, et toujours aussi concernés par l’état du monde, les Australiens de Pond reviennent hanter nos corps avec leur pop stellaire et expérimentale.
Il faudra patienter jusqu’au 2 juin pour revoir Pond sur une scène française, celle de l’heureux festival We Love Green, mais l’attente est pourtant déjà interminable. Car ceux qui ont eu la chance de voir le groupe à la Gaîté Lyrique il y a deux ans (lors de la tournée qui accompagnait la sortie de The Weather, leur septième album) le savent : l’énergie déployée par les cinq Australiens est incroyable et, surtout, contagieuse, à l’image de cette musique fiévreuse qui a petit à petit délaissé les guitares psychédéliques pour des synthés rétro, de l’électronique festive et des grooves féroces, implacables. Avec Pond, les corps bougent et les échines vibrent.
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The Weather avait annoncé la couleur avec brio et exposé à la face du monde qu’une pirouette stylistique aussi osée – leur pote Kevin Parker de Tame Impala l’avait prouvé avec Currents peu avant – pouvait être réalisée dans la décontraction la plus totale. Rien de forcé dans cette évolution sonore, juste le besoin d’aller vers autre chose tout en conservant la puissance et l’intensité de cette pop progressive qui fait la force de Nick Allbrook et sa bande depuis une bonne poignée d’albums.
« Il y a encore de l’espoir »
Deux ans plus tard, Tasmania, petit frère tout aussi turbulent que son aîné, reprend le flambeau avec panache. “Nous avions encore des choses à dire dans la même veine, envie d’explorer encore les thématiques de The Weather, mais ce nouvel album est plus sombre, plus flippé”, confie Allbrook, chanteur et auteur de toutes les paroles de ce Tasmania tantôt euphorique (Daisy), tantôt glaçant (Shame). Alors que The Weather, album dément et grand cri de colère pop lancé à la face du capitalisme, de l’égocentrisme et du changement climatique, faisait déjà figure de disque de la maturité, Tasmania parvient à faire encore plus fort, creusant davantage le sillon de ces thématiques déprimantes.
“Toutes ces merdes deviennent de plus en plus réelles, tangibles, explique un Allbrook désabusé. Aujourd’hui, nous n’avons plus envie de plaisanter avec ces sujets, mais plutôt de dire : ‘Soyons bons les uns envers les autres, profitons de ce que nous avons.’ Il y a encore de l’espoir, tant de gens font des choses incroyables. Récemment, en Australie, des élèves de primaire ont décidé de ne pas aller à l’école pour réclamer des actions contre le changement climatique… Ce genre de choses me donne de l’espoir.”
Paroles sombres et rythmes dansants
Peaufiné en studio comme ses prédécesseurs avec l’aide de Kevin Parker, Tasmania est le reflet d’un groupe qui, lassé des combos à guitares répétant sans cesse les mêmes schémas, a passé ces dernières années à écouter musiques électroniques et hip-hop, fini par digérer tout ça et offre aujourd’hui à entendre un son complexe gavé d’influences diverses (et de synthés que le Norvégien Todd Terje n’aurait pas reniés). Diablement efficace, toujours centrée sur le plaisir qu’elle procure, la musique de Pond est ainsi le complément parfait des paroles parfois sombres de Nick Allbrook qu’elle drape de basses sexy et de rythmes qui feraient se tortiller un macchabée : “Cette musique, c’est comme un déambulateur, elle m’aide à avancer et à sortir tout ce que j’ai en moi. Les rythmes, les grooves, la danse sont bien plus puissants que toute la poésie du monde.”
Catastrophes
Résultat d’une réflexion amère sur l’évolution d’une société qui marche sur la tête (“I want to breathe, I want to breathe real air again”, s’égosille Allbrook sur la chanson titre), Tasmania a pourtant des allures d’évasion parfaite pour qui voudrait fuir les catastrophes qui nous guettent. Formidable machine à fabriquer des voyages dans l’espace, l’album enchaîne les tours de force au gré d’une pop expérimentale qui culmine avec les chœurs enchanteurs de Burnt Out Star et son final halluciné, évocation de la rencontre traumatisante entre Pond et la police indonésienne à Jakarta lors de leur dernière tournée. Les Australiens nous le crient avec force, l’heure n’est plus aux atermoiements.
Plus affecté lorsqu’il s’agit d’évoquer les angoisses qui le rongent et nourrissent Tasmania, Nick Allbrook s’assombrit : “Ce qui me fait le plus peur ? La mort, perdre la personne que j’aime. Ça, ça me fout les jetons, car j’ai été souvent seul dans ma vie. Et ça vaut aussi pour la nature, c’est ce qu’on dit sur Tasmania. Perdre quelque chose d’aussi beau, d’aussi important… Putain, mais qu’est-ce qu’on ferait sans elle ?”
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