Après dix ans d’exercice, Opéra-Junior de Montpellier accède à la pleine maturité en montant Pollicino de Hans Werner Henze.
Derrière les fastes du Corum et du Festival de Radio-France, Montpellier abrite une entreprise lyrique qui prend tout son sens dans une région marquée par les clivages politiques, les grandes gueules locales et un tissu social peu reluisant. En se glissant dans la salle annexe de l’Opéra-Comédie, on assiste à une soirée de madrigaux réalisée par la troupe Opéra-Junior, coachée par le compositeur et chef d’orchestre bulgare Vladimir Kojoukharov.
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Rompu aux arcanes du jazz, des musiques extra-européennes et du contemporain (Dusapin, Aperghis), il fonde en 1986 l’association Action Musique permettant la création des projets artistiques s’appuyant sur des jeunes. Quatre ans plus tard, Opéra-Junior voit le jour. En neuf ans d’existence, plus de 2 000 jeunes, âgés de 6 à 16 ans, vont participer à ses manifestations. A chaque fois, l’événement est au rendez-vous, comme ce Republica ! Republica ! concocté par des jeunes issus du quartier chaud de La Paillade. Il y a deux ans, le Groupe Vocal Opera-Junior présentait L’Opéra du gueux, adaptation du Beggar’s opera de John Gay. Cette production affriolante et celle du Pollicino, qui s’annonce début novembre, forment les colonnes porteuses d’un projet d’envergure qui profite d’un lucratif travail de technique vocale, tenant compte à chaque instant de la mue adolescente.
Il y a vingt ans, Pollicino, du compositeur allemand Hans Werner Henze, est créé à Montepulciano, son fief toscan où chanteurs, comédiens et instrumentistes amateurs, enfants et adultes confondus, sont mis à contribution sans bénéficier de formation musicale préalable ; ils illuminent ce conte primitif qui suscite bien vite le débat avec la population. L’opéra pour enfants est une gageure que seuls les grands compositeurs ont su maîtriser car il s’agit de concilier les conditions d’interprétation des amateurs (et non de chanteurs d’opéra) et un niveau d’écriture qui ne flanche pas pour autant. La partition de Pollicino est écrite pour 40 instrumentistes (où dominent les flûtes à bec et les percussions) ; elle mêle habilement matériaux populaires et écriture savante. Six rôles principaux enserrent une vingtaine de personnages. Comme le dit justement Kojoukharov, l’opéra peut être considéré comme la base d’un cours musical intensif.
Vingt ans après la création, cette production regroupe des jeunes issus des conservatoires de Béziers, Montpellier et Aoste, accompagnés de quelques musiciens professionnels. Les dix mois de travail ont aussi préparé le terrain au spectacle autour de l’oratorio de Vivaldi, Juditha triumphans, qui sera donné l’an prochain dans une mise en scène de Jean-Louis Martinoty. En même temps, il annonce l’étape ultérieure d’Opéra-Junior : la volonté de créer une académie musicale dont les membres, cette fois plus âgés, continueront de porter le flambeau du lyrique.
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