Plus qu’un événement médiatique, le quatrième album de N.O.S et Ademo est avant tout un disque subtil, sans filtre et au service de l’émotion.
Une affaire de famille. Voilà comment on pourrait résumer l’aventure PNL, celle de deux frangins qui, malgré les streams par millions et le succès à l’international, continuent d’avancer en bande, en mode QLF (“Que la famille”). Tout est finalement dans le titre de leur nouvel album : Deux frères. Un peu comme si N.O.S et Ademo n’avaient d’autre but ici que d’exposer leur amour fraternel, renforcer leurs liens et se raconter, avec sincérité et subtilité.
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Pas question, en gros, de verser dans le tire-larmes. Certes, les frères Andrieu évoquent leur père, narrent leur mal-être (“J’meurs dans un cauchemar exotique/Où la Terre ressemble à ma tombe”) et mentionnent à plusieurs reprises leurs vrais prénoms (Nabil et Tarik), mais toutes ces confessions, Ademo et N.O.S ne les font jamais dans l’idée de susciter l’empathie : “pectoraux gainés”, ils se contentent de parler, tranquillement, avec précision, et parviennent ainsi à un degré maximal d’émotion et de vérité humaine.
Velléités wester et élans funky
Deux frères, c’est donc une plongée vers l’intime, qui ne fonctionne qu’avec la sensibilité de l’auditeur, son acceptation d’un abandon. Il faut en effet être prêt à s’immerger dans le cerveau écorché des frères Andrieu, tiraillés entre cette quête d’authenticité et l’embourgeoisement inhérent à leur statut, entre la nostalgie du temps qui passe et les rêves pour l’avenir (“Une chance qu’ils aient pas détruit mon bâtiment/ Peut-être qu’un jour j’pourrai l’montrer à mes enfants/Où avec Tarik, papa, Sarah j’ai di-gran”), entre cette obsession à rester auprès des siens et cette sensation d’être entre deux mondes, quasi inhumains.
Après tout, ils le disent, ils le répètent : PNL est une bête féroce, sortie de la “jungle” et prête à faire des “singeries”. C’est une entité à “l’instinct animal”, “en chien”, qui avance tant bien que mal parmi les humains (“J’me suis forgé, un cœur de loup, la laisse m’étouffe”) et qui, à l’instar des “fauves”, se déplace en meutes. En mode QLF, encore une fois.
Deux frères n’a pourtant rien d’un disque sauvage. C’est là la grande force, la sournoise traîtrise de cet album : ce jeu de masques, cette façon d’enrober sous une production impeccable, minimaliste même parfois, ce que le duo a inventé de plus mélodique, de plus ambitieux, de plus captivant à ce jour.
La présence de Nk.F (Orelsan, Damso) en ingénieur du son de luxe y est évidemment beaucoup. La variété des mélodies également : entre les velléités western d’A l’ammoniaque et les élans funky de 91’s, entre la guitare andalouse de La misère est si belle et les synthétiseurs spatiaux de Déconnecté, Deux frères explore de multiples pistes. Et forme ainsi un formidable manuel d’émancipation du format rap.
Ce ne sont pas les seuls – ils sont même nombreux actuellement à triturer le genre pour y exposer leurs failles intimes –, mais force est d’admettre que PNL possède quelque chose en plus : une façon de défier les codes visuels du rap, une faculté à mettre en son des textes extrêmement imagés et une volonté d’être à fleur de peau, entouré des siens. Car si la vie est moche, à en croire PNL, la famille lui donne du charme.
Album Deux frères (QLF Records/Believe)
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