Cigarettes After Sex, c’est ce groupe de dream pop largement sous-estimé qui connaît un succès international sur Internet . Depuis cinq ans, leurs ballades sensuelles et érotiques ont déjà été écoutées des millions de fois sur YouTube. On a profité de la sortie de « Cigarettes After Sex », leur tout premier album, pour rencontrer les Texans et lever le mystère sur l’un des groupes les plus passionnants de l’année.
Ce nom vous dit peut-être quelque chose. Cigarettes After Sex n’est pas le nom d’un sexshop miteux, ni celui d’un engin érotique improbable entre le sex-toy et la vaporette. Il est même probable que vous les ayez déjà entendus, en vous perdant dans les recommandations de YouTube ou en lançant une playlist au hasard. Le groupe est un ovni : s’il s’apprête à peine à sortir son tout premier album, il cumule déjà les dizaines de millions de vues en ligne depuis plusieurs années.
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Avec Cigarettes After Sex, leur tout premier album (dispo 9 juin chez Partisan Records / Pias), une communauté encore plus large s’apprête à basculer dans les rêveries pop du groupe texan. Belle occasion de réaliser également que certains se trompent lourdement : une clope, ça se fume après le sexe, pas avant. C’est en tout cas ce que nous assure Greg Gonzalez, le leader du groupe, quand on le rencontre à Paris au début du mois de mai. « C’est beaucoup plus romantique… ». Sur ce premier album, le quatuor nous plonge dans ce même état lascif et planant. Le chanteur et écrivain y plaque ses souvenirs coupables, sensuels et érotiques comme sur la B.O d’un film romantique. Un éternel accro, oui, mais à ces rencontres qui se consument, aussi vives et impalpables que la fumée d’une cigarette.
Mémoires d’un « mélo' » ?
« On m’a toujours dit que j’étais un peu mélo », avoue-t-il dans un sourire se moquant de lui-même. Assis sur l’un des sièges rouges de son hôtel parisien, les yeux fermés, l’Américain sort sa guitare, joue à peine quelques notes et nous transporte comme sur le disque dans sa douce Apocalypse. L’un des titres au centre de l’album. « J’aime enfermer dans un rêve, dans une sorte de ballade romantique et obscure », expliquera-t-il plus tard, en reposant sa guitare.
Si ses chansons parlent d’amour, le Texan n’a pourtant rien de l’image du « lover ». En l’écoutant, on se croirait plutôt projeté dans une fable sombre, à mi-chemin entre un épisode de Twin Peaks, un Hitchcock romancé et un texte de Joy Division, les souffrances de Ian Curtis en moins.
« Si tu es passionné par quelqu’un, tu ressens un sentiment qui ressemble au brouillard, à de la fumée. Je veux que ma musique fasse ressentir cela. »
Avec le claviériste Philip Tubbs, le bassiste Randy Miller et le batteur Jacob Tomsky, les Cigarettes After Sex nous embarquent dans les souvenirs de leurs histoies d’amours passées.
Dans les rues de Montmartre et de Pigalle, comme sur « Truly« , ou dans celles du Texas sur l’imparable K. C’est là-bas que le chanteur a vécu ses déboires avec son amour de jeunesse, la fameuse « Kristen », que l’on retrouve à plusieurs reprises sur le disque comme un fantôme évanescent. Une relation « passionnelle mais à longue distance », qui l’ poussé à écrire. « J’ai vécu toutes ces histoires et ces ruptures, ça m’inspire pour mes textes. Cet album, c’est un peu comme mes mémoires », lance-t-il d’une voix lointaine, avec un sourire en coin « J’ai surmonté tout ça, hein, on est restés de bons amis ! » ajoute-t-il en rigolant avec son fort accent texan.
Un escalier comme « studio » d’enregistrement
Dans ce premier vrai projet long, Greg Gonzalez se considère comme le compteur d’un « long-métrage » immersif, qu’il aime scénariser à coup de fumigènes et de bandes vidéos en noir et blanc dans ses concerts. Lui, qui tenait un movie theater à Brooklyn, nous enferme dans un huis clos, très inspiré par les films « à la fois étranges, beaux et érotiques » d’Antonioni ou de Kieslowski.
http://www.youtube.com/watch?v=p3CtD1A9USg
Les détails, le chanteur y fait très attention et se présente comme quelqu’un de « très pointilleux. » Tellement, qu’il a presque mis 10 ans à écrire et rassembler les morceaux de ce premier album, alors qu’il avait lancé le groupe en 2008, d’abord en solo. En bon perfectionniste assumé, il voulait que chaque piste ait « ce son si particulier », cet écho planant qui définit aujourd’hui le groupe. Il a trouvé la formule parfaite en 2012, par « un accident heureux assez fou » : en marchant dans l’une des cages d’escalier de sa fac. « L’écho était étrange, ça a donné cette étincelle qu’il nous manquait. » Avec le groupe, dont les membres changent au fur et à mesure des années, il décide donc d’enregistrer directement là-bas, au milieu des marches.
Un succès soudain qui bloque
Malgré eux, le bouche-à-oreille et la magie de YouTube font la suite du boulot. Sans prévenir, quelques années plus tard, en 2015, Cigarettes After Sex connaît un succès « dingue et improbable », retrace Greg, qui n’en revient toujours pas. D’un seule coup, des millions de personnes se sont mises à écouter et partager leurs EP. Nothing’s Gonna Hurt You Baby est joué plus de 53 millions de fois sur YouTube ; Affection, sorti en 2016, comptabilise 27 millions de vues… C’est le début du succès international et des concerts sold-out, avant même d’avoir sorti un seul album. De quoi bloquer complètement le chanteur pour terminer le disque : « C’est dur de créer quelque chose de bon après un tel succès », reconnaît celui qui a écrit et réécrit des centaines de textes, jusqu’à satisfaction.
Mais avec l’épisode de « l’escalier », il lavait désormais, la recette miracle. Each Time You Fall In Love, qui survole l’album, a été enregistré dans la cage d’escalier du cinéma dans lequel il continue à travailler, à côté du groupe.
« Entre deux prises, j’allais projeter un film et on reprenait l’enregistrement, se souvient le chanteur en secouant la tête à ce souvenir. J’aime capturer l’esprit d’un espace, la magie qui est présente. »
Gonzalez est à l’image de ses chansons : calme et introspectif. « En fait, je suis quelqu’un de très posé, ces morceaux sont vraiment une extension de ma personnalité. » Un petit plaisir personnel ? Une cigarette, évidemment « quand c’est le bon moment… », lance-t-il avec un rire sarcastique.
album Cigarettes After Sex le 9 juin chez Partisan Records
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