C’est la face noire, cramée, défoncée, amochée du nouveau songwriting à l’anglaise, celui qui raconte le désœuvrement, la PSP volée, le kebab glauque, les virées en Ford Escort empruntée et les vies qui cavalent, hébétées, sur les trottoirs de Londres ou Sheffield. C’est le reflet, cagneux, monstrueux, de la nuit londonienne, de ces sons qui […]
C’est la face noire, cramée, défoncée, amochée du nouveau songwriting à l’anglaise, celui qui raconte le désœuvrement, la PSP volée, le kebab glauque, les virées en Ford Escort empruntée et les vies qui cavalent, hébétées, sur les trottoirs de Londres ou Sheffield. C’est le reflet, cagneux, monstrueux, de la nuit londonienne, de ces sons qui s’entrechoquent sans répit, quitte à parfois faire des étincelles. C’est la collision du ragga, du hip-hop, de la jungle, de l’electro dans une ruelle sombre : c’est le grime, ce mouvement strictement urbain qui a choisi crasse comme intitulé, à deux doigts d’un grim (menaçant, sinistre en français) qui lui va tout aussi bien.
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Wiley, fondateur (il fit partie des légendaires Roll Deep) et conscience morale de la scène qui a déjà donné au monde Kano ou Dizze Rascal, l’affirme aujourd’hui : Fini de jouer.? Ceux qui trouvaient déjà ce son étouffant, angoissant et belliqueux en seront quittes pour un haut-le-cœur : on pouvait donc aller plus loin encore dans cette noirceur, cette lourdeur, cette brutalité, cette âpreté. Et pourtant, même au fond de cet abysse, même dans les tréfonds de cette soul expérimentale et décharnée, Londres (en tout cas son East End) continue de danser au rythme de ces spasmes, de cette tachycardie, de ces ego trips cinglants.
Wiley, pour décrire son style, parle d’ eskibeat . Eski, comme eskimo , ce qui résume assez bien la glaciation de toute humanité dans ces morceaux cauchemardesques, où la banquise a déjà atteint le quartier de Bow. L’Angleterre n’a que rarement contribué à la grandeur du hip-hop. Mais dans cette version radicale, londocentrique et désespérée, elle accouche aujourd’hui d’une sorte de monument. Un monument aux morts, défiguré par une explosion atomique. Fini de jouer . Soudain, The Streets passent pour une ruelle piétonnière, fleurie, touristique et nettoyée à l’eau de Javel.
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