[Nos grandes séries – Gossip] Septième épisode : si Gossip a su se forger une identité et un son uniques, l’une et l’autre ne viennent pas de nulle part. Et leur porte-parole, Beth Ditto, a toujours été prolixe en interview pour saluer les aîné.e.s, parfois surprenant.e.s, qui ont fait de Gossip un des groupes les plus influents des années 2000.
“Les Inrocks” poursuivent leurs séries consacrées aux grandes figures suivies par le magazine depuis des années, voire des décennies. Après Houellebecq, Miyazaki, Godard ou Almodóvar, voici notre série consacrée aux explosifs Gossip, à l’occasion de leur reformation anniversaire autour des 10 ans de l’album “Music for Men”. Gossip, ce sont des concerts dingues, un engagement fort dans les combats LGBTQ +, un punk-rock à l’énergie plus que communicative et une figure de proue charismatique : Beth Ditto. Autant de raisons d’honorer leur come-back inespéré.
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Des Slits à George Michael, de Fugazi à Missy Elliott, des riot grrrl à Queen en passant par Loretta Lynn ou Dusty Springfield, le moindre que l’on puisse dire est que les sources auxquelles se sont abreuvés de Gossip sont multiples.
Invitée d’On est pas couché, Beth Ditto déclare à Laurent Ruquier qu’elle regrette sa présence sur le plateau alors qu’en ce 27 mai 2010, un de ses groupes cultes se produit au Café de la Danse parisien : The Slits. Le dernier concert français des pionnières punks et sans doute la seule fois où le nom des Slits aura été prononcé sur le plateau d’On n’est pas couché. (Précaution d’emploi : ce lien contient du Eric Naulleau et du Eric Zemmour, mais aussi une Beth Ditto rayonnante).
CSS, Let’s Make Love and Listen to Death From Above (2005)
“A l’époque de Standing in the Way of Control, on était vraiment, avec Le Tigre et CSS, des sortes d’extraterrestres”, nous confiait Beth Ditto en 2009. CSS (Cansei de Ser Sexy, soit littéralement “fatiguées d’être sexy”) est un collectif d’artistes brésiliennes dont la branche musicale, CSS, connut une carrière éphémère du fait de la multiplicité de leurs activités. Mais rien de surprenant à ce que Beth Ditto leur accorde le brevet “d’extraterrestres” tant leur electro-punk-funk vitaminé et leur explosivité en concert rappelle celle de Gossip.
Autres compagnonnes de route citées en compagnie de CSS : Le Tigre. Rien de bien surprenant une fois encore. La leadeuse du Tigre, Kathleen Hanna, a été auparavant la figure de proue de Bikini Kill, une des formations fondatrices du mouvement riot grrrl. On prête également l’origine de Smells Like Teen Spirit à Hanna car l’alors batteuse de Bikini Kill, et compagne de Kurt Cobain, portrait ce parfum à l’époque. Du Tigre, on retiendra ce titre francophone en souvenir des concerts français de Gossip où Beth Ditto prend toujours un malin plaisir à “mal parler” français.
Tori Amos, Smells Like Teen Spirit (1994)
En 2007, Beth Ditto aura ce cri du cœur : “J’adore Tori Amos, encore maintenant !”. Si le “encore maintenant” indique que Tori Amos aurait été un peu passée de mode en 2007, la chanteuse américaine, qui connut son heure de gloire tout au long des nineties, s’amusait souvent à compléter ses merveilleuses compositions de reprises piano/voix de standards du rock (Thank You de Led Zeppelin, Enjoy the Silence de Depeche Mode…) en face B de ses singles comme ici le Smells Like Teen Spirit de Nirvana.
Originaire de Washington, le groupe de post-punk hardcore Fugazi ne faisait pas nécessairement dans la dentelle mais parfois se permettaient des pas de côté hors hardcore pour développer un post-rock “presque” mélodique. Leur guitarise et chanteur, Guy Picciotto, permettra à Gossip d’opérer le grand saut entre underground et mainstream en produisant l’album Standing in the Way of Control et l’intro de Shut the Door évoque d’une certaine façon les prémices du single-tube initial de Gossip.
The White Stripes, I Just Don’t KnowWhat to Do with Myself (2003)
En 2009 toujours, Beth Ditto évoquait Kate Moss : “Elle est une sorte de grande sœur. Elle m’a encouragée à faire ma ligne de vêtements et surtout à n’en avoir rien à foutre de ce que disent les autres. Parce qu’elle s’en fout VRAIMENT.” Icône rock du fait de ses mauvaises fréquentations et habitudes autant que pour sa science de la provocation, Kate Moss laissera une trace indélébile dans l’histoire du genre en pole danseuse guest du I Just Don’t Know What to Do with Myself des White Stripes – groupe dont, comme par hasard, Gossip assurera à de nombreuses reprises les premières parties.
George Michael, Careless Whisper (1984)
“Ma mère, était une très jeune maman, dans les années 1980, elle faisait le ménage en écoutant I Want Your Sex” (Beth Ditto, 2007). Deux ans plus tard, la chanteuse de Gossip nous confie rêver de rencontrer George Michael et compte une fois encore sur les conseils de sa nouvelle amie : “J’adore George Michael ! Kate Moss le connaît, alors peut-être.” On ignore à ce jour si la Brindille a présidé à la rencontre de l’idole de maman Ditto et de l’ex-Wham !, mais on se souvient avec émotion de la brûlante reprise live que fait Gossip de Careless Whisper.
Aaliyah, Are You That Someboby ? (1998)
Autre morceau de bravoure des concerts de Gossip, hors bien sûr les hymnes composés par le groupe et la reprise récurrente du Careless Whisper de George Michael, la reprise du Are You That Somebody d’Aaliyah que le groupe s’approprie régulièrement et avec ferveur. Un hommage autant à Aaliyah, icône montante du r’n’b tragiquement disparue dans un accident d’avion à l’âge de 22 ans, qu’aux productions parfaitement ciselées de Timbaland et Missy Elliott.
Missy Elliott, Get Ur Freak On (2001)
La paire Missy Elliott/Timbaland, admirée par le trio d’Olympia, atteint un de ses sommets avec le single Get Ur Freak On, issu de l’album Miss E… So Addictive, modèle d’épure, habilement planqué sous des couches et des couches de complexité qui influenceront et influencent encore nombre d’artistes hip-hop et r’n’b voire d’autres issus de sphères moins attendues. Ainsi, Beth Ditto fera plusieurs fois allusion à l’empreinte profonde que Miss E… a pu graver en elle.
Cindy Lauper, Girls Just Want to Have Fun (1984)
“Il n’y avait rien dans l’Arkansas (où ellea grandi – ndlr). Quand MTV est arrivée, j’ai découvert des artistes pop tels Cindy Lauper”, confesse Beth Ditto. Le titre du premier album de Cindy Lauper, She’s So Unusual, irait comme un gant à Beth Ditto et son gang, tout comme cet univers prônant les revendications hédonistes et féministes. Une pop qui se permet de balancer des messages et milite pour l’émancipation et le droit à toutes les différences.
Loretta Lynn, Coal Miner’s Daughter (1971)
Quand on est élevée dans l’Arkansas avec un père admirateur de Johnny Cash, difficile de passer à côté de la country : “Je pense que Loretta Lynn fait partie des meilleurs compositeurs de tous les temps : elle a cette habilité à manier les mots et tourner les phrases qui est incroyable.” Même si Loretta Lynn a cultivé une sophistication que les puristes country lui reprocheront parfois et même si, il faut bien l’avouer, l’influence du genre sur Gossip ne saute pas aux oreilles, on peut en retrouver des traces dans le songwriting de joyaux tels que Coal to Diamonds ou Dimestore Diamond.
Dusty Springfield, Son of a Preacher Man (1968)
Que la soul imprègne profondément le chant de Beth Ditto pour lui permettre de fusionner au punk-rock et à l’énergie de ses deux acolytes, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. En tant qu’interprète volcanique, Beth Ditto a souvent été comparée à Tina Turner ou Janis Joplin voire d’Aretha Franklin. On pense moins à la délicate et pourtant puissante Dusty Springfield. Cependant, de son propre aveu, Beth Ditto “a mis plusieurs d’années à trouver ce disque en vinyle”. Ce disque, c’est donc Dusty in Memphis dont ce Son of a Preacher Man, auparavant refusé par Aretha Franklin, est issu.
Divine, Born to Be Cheap (1981)
Le Born to Be Cheap (“née pour être bon marché”) de l’égérie de John Waters rencontre un parfait écho avec le diamant à deux balles (Dimestore Diamond) de Gossip et crée une ligne évidente menant de Baltimore à l’Arkansas. Bien plus qu’une corpulence commune que les balourds soulignent, c’est un tempérament de feu et un art de la performance qui unit Divine et Beth Ditto. Même si, rappelons-le, c’est surtout en tant qu’actrice que Divine a marqué les esprits.
Sonic Youth, Freezer Burn/I Wanna Be Your Dog (1983)
L’influence de Sonic Youth et plus particulièrement de la paire Thurston Moore/Kim Gordon est prégnante sur les deux premiers albums, plus bruitistes de The Gossip (soit chronologiquement That’s Not What I Heard en 2001 et Movement en 2003). En changeant de batteuse et en perdant son article initial, The Gossip devenu Gossip va s’orienter vers un son plus punk-funk plus en phase avec les intonations soul que sa chanteuse imprime à sa voix.
Avec l’arrivée de sa nouvelle batteuse, Hannah Billie, Gossip va en partie se tourner vers le New York du tout début des années 1980 et vers la no wave dont les sonorités hybrides et minimalistes n’empêchent pas la puissance et l’intensité. Une formule magique à l’origine de laquelle on retrouve les sœurs brooklynoises d’ESG (acronyme d’Emerald, Sapphire & Gold) qui en fond un précipité de groove diablement efficace.
Queen, We Are the Champions (1977)
Freddie Mercury et Beth Ditto ont bien des points communs dans leurs postures scéniques, ne reculant pas devant l’outrance pour affirmer leur potentiel queer ou camp (ou les deux). Beth Ditto a raconté à plusieurs reprises avoir interprété We Are the Champions lors d’une Gay Pride (l’ancienne dénomination, moins inclusive, de la Marche des fiertés), s’étonnant que “cette chanson soit devenue un hymne de stade de foot”.
Retrouvez les autres épisodes de notre série grâce aux liens ci-dessous :
Episode 1- Beth Ditto : “Je trouve ça un peu stupide ces anniversaires”
Episode 2 – L’explosion “Standing in the Way of Control” en 2007 : notre première rencontre avec Gossip
Episode 3 – Bienvenue chez Gossip : reportage à Portland avec Beth Ditto en 2009
Episode 4 – 2010 : Comment Gossip est passé de l’underground à la scène de Bercy
Episode 5 – En 2017, Beth Ditto évoque la fin de Gossip : “Un déchirement”
Episode 6 – [Vidéo] Beth Ditto, en 2017 : “Avant, je ne pouvais pas supporter de me voir exposée”
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