Le Petty Tom illustré. Avant de remplir les stades d’adultes avachis, Tom Petty enregistra une poignée d’albums querelleurs, romantiques et parfaitement élevés. Un imposant coffret s’en souvient. 1965. Les fabuleuses images en noir et blanc de l’Ed Sullivan show accomplissent leur œuvre subversive : Beatles, Rolling Stones et Animals s’y succèdent, électrisant les cœurs et […]
Le Petty Tom illustré. Avant de remplir les stades d’adultes avachis, Tom Petty enregistra une poignée d’albums querelleurs, romantiques et parfaitement élevés. Un imposant coffret s’en souvient.
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1965. Les fabuleuses images en noir et blanc de l’Ed Sullivan show accomplissent leur œuvre subversive : Beatles, Rolling Stones et Animals s’y succèdent, électrisant les cœurs et les corps. Naissance instantanée d’une vocation pour Tom Petty, blondinet soupe au lait rongeant son frein aux confins de la Floride et de l’Alabama, au fin fond de l’Amérique agricole et dévote. Celle qui, quelques années auparavant, faisait des autodafés des disques d’Elvis Presley, cet antéchrist aux hanches montées sur roulement à billes. Dix ans plus tard, Tom débarque à Los Angeles, via Tulsa, Oklahoma. Le petit coq querelleur au parler paresseux s’y mue en gandin insolent : casque d’or à la Brian Jones/Elliott Murphy, vestes de mod anglais, dents de Bugs Bunny vorace. C’est une boule de nerfs, au chant en guerre avec ses sinus, qui recrute une poignée de vertueux virtuoses, pour qui la reconquête du rock’n’roll tombé aux mains des infidèles (les hordes impies et triomphantes de l’AOR Adult oriented rock) est une croisade.
Le batteur se rêve en Keith Moon ou Charlie Watts, le guitariste, intraitable et teigneux, ne jure que par Chuck Berry. Deux albums suivent, d’un classicisme insolite, d’une limpidité énigmatique. Les chansons rapaces et cavaleuses de Tom Petty And The Heartbreakers (1976) et You’re gonna get it (1978) font les poches de Dylan, braquent les Beatles, roulent les Rolling Stones dans la farine et barbotent le pactole de Byrds. Butin mirifique : des giclées d’électricité hallucinée (I need to know, Too much ain’t enough), des ballades candides (Listen to her heart et American girl, malicieusement détourné par Jonathan Demme pour la scène d’enlèvement du Silence des agneaux), d’intrigantes roucoulades nocturnes (Magnolia, Strangered in the night). Sous la houlette de Denny Cordell, producteur enchanteur, les mélodies carillonnantes se parent d’une scintillante opacité. Méticuleusement mis en son par Jimmy Iovine, l’album suivant, Damn the torpedoes, est un triomphe, capturant l’instant précieux où l’impétuosité des Heartbreakers le dispute à une maturité naissante. C’est le disque de la force inquiète, du biceps fébrile, du muscle émotif et des hits planétaires (Refugee, Here comes my girl). Passé ces instants de liesse, Tom Petty se découvre des amis haut placés (Stevie Nicks, Dave Stewart, Jeff Lyne), remplit les stades et vend des tonnes de disques toujours compétents, rarement enthousiasmants, à l’exception de Let me up, méchante collision entre Blonde on blonde et Exile on main street. Petty rivalise avec Springsteen, les amoureux des Heartbreakers lui préfèrent les Plimsouls, les Del Fuegos ou les jeunes REM. Mais, assez bien compilée en six CD bourrés d’inédits (manquent quand même quelques perles, comme l’abrasif Spike, où le fiel de Randy Newman rencontre le swing cossard de JJ Cale), l’aventure du petit plouc du pays des alligators devenu prince de Beverly Hills reste une des plus réjouissantes épopées des vingt dernières années.
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