Ils sont quatre mousquetaires anglais et américains à jouer en 2010 de la soul music comme dans les années 60 et 70. Le succès actuel de Plan B devrait rejaillir sur les trois autres et donner à cet été un rafraîchissant supplément d’âme.
Impossible d’y résister : avec son piano hypnotique et ses arrangements à la sobriété remarquable – cuivres mats et nerveux, rythmique en repli –, cette mélodie en escalier rappelle The Bottle de Gil Scott-Heron sans que l’on puisse hurler au plagiat. Aloe Blacc plaide non coupable : “La référence à The Bottle est fortuite, même si j’apprécie au final qu’on me compare à l’un de mes héros, l’un des plus grands chanteurs soul/folk de tous les temps. En fait, dans la chanson, je parle d’un ami très proche, et, malheureusement, l’abus d’alcool n’est pas l’apanage du seul Mr. Heron !”
Et de poursuivre sur la longue marche d’une chanson qui parvient aujourd’hui à destination, poussée sans doute par l’air du temps : “Ce fut un processus assez lent pour parvenir à la chanson telle qu’on l’entend désormais. Je la chante pour moi depuis des années, elle m’a été inspirée non par la soul des années 70, mais par les travailleurs à la chaîne de la première moitié du XXe siècle. J’ai beaucoup écouté de field recordings de l’époque et j’avais le sentiment étrange que l’on m’appelait dans ces chansons. C’est en réponse que j’ai écrit I Need a Dollar.”
L’album Good Things, magnifique d’un bout à l’autre, ne sortira qu’à la fin du mois de septembre, le temps de laisser I Need a Dollar se construire une notoriété durable à Aloe Blacc, dont le premier album, Shine through, n’avait pas grand-chose en commun avec le nouveau. Egalement membre du groupe hip-hop Emanon, ce diplômé de l’université de Californie avait alors tendance à disperser ses forces en papillonnant entre electro et funk sans réussir à se poser. “Je voulais commencer par un disque qui reflète toute la palette de la musique que j’aime. Good Things se concentre désormais sur la soul, un genre que j’abordais sur le précédent mais que j’ai voulu cette fois explorer en profondeur. J’ai beaucoup écouté de soul music, notamment pour m’entraîner à chanter. J’ai étudié les classiques de la soul en les chantant au piano, une discipline dure mais formatrice. L’un de mes chanteurs préférés reste Donny Hathaway, sa voix est d’une subtilité incroyable et demeure indépassée pour moi.”
Alors qu’un album d’Emanon, “complètement hip-hop”, est déjà sur le feu, Aloe Blacc risque fort, à l’image de Plan B, d’être amené à considérer sa nouvelle carrière de soul singer comme une priorité. “J’aime expérimenter tous les styles de musiques d’aujourd’hui, conclut-il, mais j’ai aussi de l’admiration pour cette musique du passé, absolument intègre et pure, avant que tout ne devienne qu’une industrie. On aurait du mal, aujourd’hui, à trouver un artiste de la trempe de Marvin Gaye. Mon intention, c’est de faire partager avec un public une musique que j’espère aussi intègre et sincère que la sienne. Je souhaite qu’après avoir écouté mon album, les gens se plongent plus en profondeur dans les racines de cette musique.” La soul est toujours une affaire de bonnes âmes.
Albums :
Plan B The Defamation of Strickland Banks (Atlantic/Warner)
Eli “Paperboy” Reed Come and Get It! (EMI)
Mayer Hawthorne A Strange Arrangement (Stones Throw/Discograph)
Aloe Blacc Good Things, à paraître le 27 septembre (Stones Throw/Discograph)