Ils sont quatre mousquetaires anglais et américains à jouer en 2010 de la soul music comme dans les années 60 et 70. Le succès actuel de Plan B devrait rejaillir sur les trois autres et donner à cet été un rafraîchissant supplément d’âme.
Jusqu’à ce très bon Plan B, tous les espoirs de la soul masculine des années 2000 reposaient sur Eli “Paperboy” Reed. Un jeune prodige de Boston qui a cessé de renouveler son calendrier des postes depuis 1966 et semble n’avoir étudié, en guise de manuels scolaires, que les disques Chess et Stax Records. C’est d’ailleurs ce qui pose problème avec sa musique, dont il a déjà empli trois albums : son côté bon élève orthodoxe, incapable de fantaisie ou de sacrilège au regard des saintes bibles du rhythm’n’blues sudiste.
Il possède une bonne voix solide pour le registre épineux auquel il a décidé de s’attaquer, mais on se demande s’il a la force suffisante pour s’improviser ainsi gardien d’un tel temple. Le journal local Boston Herald, très fier de l’enfant du pays, a qualifié Eli de “réponse de Boston à Sam Cooke”, comme si ce pauvre Sam Cooke, refroidi depuis 1964, attendait une réponse. Désormais armé d’un contrat sur une major internationale après deux tours de chauffe en indépendant, Reed a réalisé sur Come and Get It! son fantasme en grand format, couchant à la fois des titres brûlants sur les tisons où Wilson Pickett faisait jadis rôtir les siens, des ballades crémeuses mais pas trop coulantes et quelques poussées jusqu’aux seventies, où il n’est pas désagréable de le voir enfin dégrafer son col, comme sur l’excellent Young Girl.
Les années 70, leurs mélodies caoutchouteuses, leurs cordes opulentes, leurs couplets qui grimpent aux rideaux et leurs refrains érogènes, Mayer Hawthorne aurait probablement aimé les connaître en direct. Avec son album A Strange Arrangement, il a choisi de s’y téléporter et de célébrer sans complexes la moiteur des productions de Curtis Mayfield ou de Barry White. Originaire d’Ann Arbor, dans le Michigan, mais aujourd’hui installé à Los Angeles, Hawthorne est lui aussi passé par la case hip-hop, dans un style plutôt cool et sous le nom de Haircut, avant de devenir complètement soul avec la parution fin 2008 de son fabuleux single Just Ain’t Gonna Work out, suivi un an plus tard d’un album aussi réjouissant.
Pour Peanut Butter Wolf, DJ, rappeur et patron du label Stones Throw qui a signé Hawthorne, il n’y a pas à proprement parler de phénomène “vintage soul” mais simplement des artistes, la plupart venus du hip-hop, qui se sont reconnectés à peu près tous en même temps à la soul, osant en jouer au lieu de juste la sampler. “Personnellement, j’ai commencé à écouter de la soul en 1979, lorsque j’étais au lycée. A partir de 1986, je me suis lassé, notamment parce que le rap me semblait beaucoup plus excitant. La soul n’a pas commencé à devenir pénible au cours des années 2000 avec le r’n’b, ça remonte à bien plus loin, aux années 80 ! Si des artistes venus du rap se replongent dans la soul aujourd’hui, c’est parce qu’une partie du rap, notamment le rap indépendant, est devenue à son tour aussi ennuyeuse que l’était la soul à une époque.”
Après le joli coup Mayer Hawthorne, le label Stones Throw et son heureux taulier Peanut Butter Wolf lancent ces jours-ci l’étape la plus sérieuse de cette nouvelle offensive soul. Choisi comme générique de la série de HBO How to Make It in America, la chanson I Need a Dollar du Californien Aloe Blacc a tout de suite connu une exposition qui ne cesse de s’étendre.