L’album qui nous manquait. Le disque capable de servir de pont costaud entre deux mondes qui se croisent en s’évitant du regard. Celui des jeunes pousses tatouées dance et Manchester, celui de l’orthodoxie rock grincheuse. On l’avait déjà compris avec Squirrel & G-man twenty four hour party people plastic face carn’t smile (white out) et […]
L’album qui nous manquait. Le disque capable de servir de pont costaud entre deux mondes qui se croisent en s’évitant du regard. Celui des jeunes pousses tatouées dance et Manchester, celui de l’orthodoxie rock grincheuse. On l’avait déjà compris avec Squirrel & G-man twenty four hour party people plastic face carn’t smile (white out) et Bummed, Happy Mondays est un groupe de rock au sens Littré du terme : primaire, rugueux, centrifuge. Lui manquait deux choses. D’abord un paquet de chansons. Ensuite une générosité dans leur géniale déglingue : trop touffue, trop indulgente envers elle-même pour sortir de la catégorie private-joke, elle restait jusqu’alors objet de curiosité. Mais la pression, depuis Wrote for luck, Hallelujah et Step on nous laissait pressentir la conversion définitive, qui ne réclamait que ce Fêtes & jours de fête & lendemains de fête. Leur démence prenant un sens ? jamais feinte et maintenant incurable, elle a atteint le point de non-retour ?, elle devient insalubrement sensuelle et vénéneuse. On marche. Avec, à côté, dedans, tout court. Et non plus au-dessus, le jugement pincé. Normal que certains aient l’impression de tourner en rond, puisque le tournoiement interminable est le secret de l’affaire : l’acharnement comme une vis sans fin. Quant aux chansons en nombre, on repassera plus tard. Ou mieux, on abandonne l’idée. Ça ne viendra plus. Pour preuve leur meilleur, le morceau sur lequel le groupe prend toute sa dimension, est une reprise d’une vieillerie sixties qu’il encense sur Rubayiat, Tokoloshe man. Il va donc falloir, le temps de l’album au moins, revenir sur notre principe qui fait de la chanson l’élément clé. Celui sans lequel notre musique est sourde, muette, aveugle et paraplégique. Celle d’Happy Mondays a tous ses sens et plus encore de mouvements, alors qu’elle est sans inspiration : simplement de la recette, mais de la recette infaillible car elle-même inspirée. Tout remonte du bas-ventre dans une rythmique alchimiste, un guitariste à l’aiguisé ludique et chez Shaun, leur piailleur tombé dans la marmite, qui ne s’en remettra jamais. Là-haut, tout a fondu. Et au milieu de cette bile métronomique, Bez : une paire de jambes décervelées, un plateau à la main, ce qu’il faut dessus pour pourvoir en carburant stupéfiant ses compagnons d’aliénation.
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Archives du n°26 (nov/déc 90)
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