Une jungle sonore où les courageux seront récompensés : quelques chansons justifient largement ce chemin de croix. Le flot est impressionnant, façon grande crue des idées, débordement des méninges, éruption de frustration, violente giclée d’adrénaline retenue trop longtemps au fin fond d’une guitare pourrave. Il faut bien entendu faire le tri dans le labyrinthe de […]
Une jungle sonore où les courageux seront récompensés : quelques chansons justifient largement ce chemin de croix.
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Le flot est impressionnant, façon grande crue des idées, débordement des méninges, éruption de frustration, violente giclée d’adrénaline retenue trop longtemps au fin fond d’une guitare pourrave. Il faut bien entendu faire le tri dans le labyrinthe de Photograph burns, où les chansons se bousculent au portillon enfin ouvert. Eliminer des scories punk-rock aux godillots lourds, des facilités bruitistes, des crises de nerfs crispantes, des épilepsies de larsen : car dès que V3 parle et s’explique au lieu de bastonner, on approuve à toutes les âneries qu’il raconte et on le suit comme un seul homme. Il y a du Beck chez ce V3, dans cette jouissance à ne surtout pas sélectionner, à prendre en bloc le premier jet, à s’interdire les retouches et la réflexion, la distance et la sagesse. Il y a, certes, moins de chansons ahurissantes dans cet album que dans n’importe lequel du grand Beck : ici, seulement une poignée Bristol girl ou American face en tête. Mais des chansons suffisamment déconstruites, tordues et pourtant solides, le front haut, pour qu’on s’engouffre à leur recherche dans le fouillis souvent éprouvant de Photograph burns. De V3, on ne sait rien : juste qu’il s’agit de l’abri pas très anti-atomique d’un certain Jim Shepard, qui fait quasiment tout guitares, voix, production et surtout le reste… Laminage des idées reçues ; grosse chasse aux clichés et aux facilités du rock jeune américain ; recherche systématique de midi à quatorze heures ; démonstration permanente que le chemin le plus court d’un endroit à un autre n’est pas le plus drôle, et que le zigzag, les routes buissonnières et les fausses routes en milieu hostile sont largement plus excitants. Tant pis si, souvent, Jim Shepard se perd en route, n’écoutant que sa rage mauvaise conseillère de chansons autrement plus impressionnantes quand elles baissent les armes. Ce qui compte ici, c’est ce sursaut de courage dans un rock américain enlisé dans une paresse, une routine et un manque effarant d’ambition, ces mots griffonnés avec fièvre sur la pochette « Avance tête baissée, ne les laisse pas te retenir » plutôt que l’habituel (et très porteur) discours sur la dépression. « Ce disque pourrait vous aider à traverser votre crise. » Sûr qu’il y a là de quoi vous réconcilier avec l’excentricité, de quoi renouer le dialogue avec Julian Cope, Baby Bird ou Beefheart. « Par contre, il vous faudra écouter l’album d’un bout à l’autre », jure la pochette. Eh, là, il faudrait peut-être pas trop pousser, non ?
JD Beauvallet
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