En attendant son nouvel album et après un passage glorieux au Saturday Night Live, Phoenix nous commente titre par titre sa fabuleuse compilation sortie chez Kitsuné. Au programme : Kiss, Roxy Music, D’Angelo, Dennis Wilson, Dusty Springfield et Lou Reed, racontés au plus près de l’os par le duo Branco/Thomas Mars (crédit photo : Stéphane « Falcon » Quême).
Kiss Love Theme From Kiss (1974)
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Thomas : C’est un morceau d’ouverture évident non ?
Branco : On ne voyait pas autre chose, on s’est laissé porter par la force naturelle de ce morceau. Idem pour la pochette du disque, elle est extraite de notre banque de photos, elle est tombée sous le sens. Une espèce de lionceau triste, plein de mélancolie, dans la neige. Il a froid alors qu’il a l’air plein de tendresse.
Dirty Projectors Rise Above (2007)
Thomas : Dave Longstreth, le leader de ce groupe, c’est un virtuose. On les a vu en concert au Nouveau Casino à Paris, c’est un autiste. Quand on écoute sa musique ça nous fait pareil que D’Angelo ou Red Crayola, on ne voit pas l’envers du décor, et quand on est musicien soi-même c’est assez épatant.
Branco : Et c’est de plus en plus dur de se faire avoir, et là il nous a eu, on est tombé dedans. L’album est génial, c’est un disque de reprises imaginaires, un truc à la Jorge Luis Borgès. C’est une idée que j’aurai aimé avoir.
The Red Crayola Victory Garden (1968)
Branco : Ce morceau, c’est un amour d’adolescence. Et en l’écoutant, on s’est dit qu’on entrait dans un truc, et qu’on n’en était pas sorti. Red Crayola nous a ouvert l’esprit : la musique, c’est comme les arbres généalogiques, et on est parti d’eux, on a remonté le fil. Red Crayola c’est un peu notre « pierre de Rosette ».
The Impressions I’ve Been Trying (1964)
Branco : On a toujours adoré Curtis Mayfield, et là c’est un morceau du groupe qu’il avait avant de se lancer en solo. Il y a un côté vierge, innocent…
Thomas : On se dit qu’il ne porte pas de veste en cuir, mais plutôt un costume crème.
Branco : Et le morceau est génial, il porte toute la naïveté qu’on imagine être celle de l’année 1964.
Chris Bell I Am The Cosmos (1978)
Branco : C’est un gars de Big Star. Il était dans le groupe, il a quitté le groupe, il a fait cet album solo, et il est mort. Son album, I Am the Cosmos, est démentiel. La pochette aussi. On dirait qu’il est dans les Alpes. Enfin je dis, les Alpes, c’est peut-être Aspen dans le Colorado je ne sais pas.
Thomas : C’est vrai que ça sent le Colorado là…
Roxy Music Pyjamarama (1973)
Thomas : Moi j’écoutais ça ado. J’adorais les pochettes. Brian Ferry c’est comme Iggy Pop, ils arrivent à aller au delà du bon ou du mauvais goût. Ces disques montrent que la folie permet tout. En 1973, date de ce morceau, je pense que Roxy Music était au top de la décadence.
Branco : Oui, ils devaient boire du vin blanc le matin…
The 13th Floor Elevators I Had To Tell You (1967)
Thomas : Là encore, comme Red Crayola, c’est un groupe du Texas. Il y avait une vraie scène là-bas à l’époque.
Branco : On a toujours aimé ce groupe, ils ont toujours eu les meilleures pochettes. On était à Versailles, à l’époque il n’y avait pas internet, rien, donc dès qu’on avait un de leurs disques on passait notre temps à décortiquer les pochettes. Chaque membre du groupe avait sa petite photo, ou tenait des instruments fou. Un truc vraiment romanesque, l’évasion pure, merci à eux.
Thomas : On les a d’ailleurs copiés sur United, on a mis chacun notre photo.
Elvis Costello & The Attractions Shipbuilding (1983)
Branco : L’élégance
Thomas : Voilà, l’élégance…
D’Angelo Send It On (2000)
Thomas : Ce mec nous a vraiment obsédé, on a découvert son disque avant d’enregistrer notre deuxième album. Et c’était dur d’être obsédé par lui, car c’est un mec hyper bling qui adore son corps. Quand tu dis à des Américains que tu es fasciné par lui ils te regardent un peu étonnés. Il faut donc vraiment ne parler que de musique quand tu parle de D’Angelo.
Branco : On a vraiment été obsessifs avec lui, on peut même dire que ça nous a un peu paralysés à un moment donné. Il a fallu réapprendre à faire de la musique après avoir entendu son album. Il y a avait plein d’histoires sur lui, on disait qu’il avait enregistré ses chansons avec des instruments, puis tout refait sur ordinateur. Quand on voit la tête du mec en plus, on n’y croit pas, c’est un peu comme d’imaginer Bouddha sur Yahoo.
Thomas : Et puis c’est un homme seul, il n’y a pas de producteur derrière, pas de Quincy Jones ou de Timbaland, le mec agit en solitaire c’est fascinant. Il a donné un concert à Paris, qu’on a loupé. Ça rajoute au mythe.
Tangerine Dream Love On A Real Train (1983)
Thomas : C’est le morceau qu’on met avant de monter sur scène. On aime bien ce morceau, on aurait pu aussi mettre Make Love de Daft Punk, c’est le même genre, une ritournelle un peu mathématique.
Branco : Moi j’adore quand l’art et les mathématiques se mélangent, comme dans l’architecture de la Renaissance, tu sais qu’il y a des formules derrière. Pour moi c’est la combinaison ultime, j’ai l’impression que c’est là que réside la vérité. On a pas mal utilisé ça sur notre prochain disque.
Thomas : C’est un truc qui fascine les rockers ça les chiffres, Jack White, par exemple, il construit tout autour du chiffre trois. Il a des chiffres trois partout chez lui.
Branco : Ah ah il a trois doigts aussi non ? Mais c’est pire dans le dernier bouquin de Dylan, il y a trois pages sur le chiffre trois. Il parle du moment où il découvre un truc basé sur le chiffre trois, on ne comprend pas grand-chose, mais il lève une partie du voile sur un secret de son aspiration.
Urge Overkill Stull Stull (Part I) (1992)
Branco : On a connu ce groupe bien avant la B.O. de Pulp Fiction. On les a connu en pleine période grunge. Ils portaient des costumes, c’est le seul groupe qui avait un peu de tenue.
Thomas : Et ils faisaient le grand écart aussi, ils reprenaient Neil Diamond et ils faisaient du métal, avec un style irréprochable.
Branco : Ce sont des mecs qui ont du style. On les a toujours aimé avec notre vision biaisée de teenager. Ils avaient du panache alors qu’à l’époque tout le monde était « en mode » vautré dans les canapés. Nous ça nous parlait ça.
Lô Borges Aos Baroes (1972)
Branco : C’est un Brésilien, on est tombé dessus pas hasard. Je suis rentré dans cette scène brésilienne avec Caetano Veloso, Milton Nascimento etc… Il est de la même bande. Je ne sais rien de ce mec à part qu’il est Brésilien et qu’il a écrit des chansons formidables, dont celle-là.
Iggy Pop & James Williamson Master Charge (1977)
Thomas : Oui comme on a dit plus haut, un moment donné la folie surpasse le mauvais goût. Et Iggy n’a jamais été aussi fou qu’en 1977 il me semble.
Dennis Wilson Lady (Falling In Love) (1970)
Branco : Dennis Wilson, c’est le Beach Boys maudit. Donc notre préféré. Il a fait une trentaine de morceaux, pas tous très trouvables. Il a fait celui là, Lady, et un autre, une sorte de chanson de Noël introuvable qui est magnifique. Je l’ai elle est folle. Elle n’est jamais sortie. Il y en a une autre qui est inédite.
Irma Thomas It’s Raining (1962)
Branco : C’est une chanson qui a été écrite par Allen Toussaint, un type de la Nouvelle-Orléans qui a écrit plein de chansons formidables dans les années 50/60/70. C’est un morceau plein de tendresse et de mélancolie.
Ritchie Valens In A Turkish Town (1959)
Thomas : J’ai découvert Ritchie Valens à l’époque du film La Bamba. Je l’ai vu plusieurs fois à l’époque, alors que c’est vraiment pourri… Pendant longtemps, Ritchie Valens on s’en est parlé avant de prendre l’avion, rien de plus.
Branco : Non mais la chanson est dingue. Le type est en Californie on se dit, et nous parle de la Turquie. Comme quand un poète met « Constantinople » dans un titre, ça te fait fondre, c’est une certaine idée de l’ailleurs, et là, une fille qui l’attend dans un village turc, c’est fou…
Dusty Springfield I Think It’s Gonna Rain Today (1965)
Branco : Je ne sais pas trop quoi dire, à part que la chanson est sublime. C’est une chanson de Randy Newman incroyable.
Thomas : C’est une chanson folle. Il pleut, on sort des nuages, il y a le soleil. On s’imagine que tout est parfait.
Branco : Oui c’est un peu comme une tapisserie de Bayeux.
Lou Reed Street Hassle (1978)
Branco : Le seul truc qu’on savait, en faisant cette compil, c’est qu’on voulait Kiss à l’entrée et Lou Reed à la sortie. C’est un morceau labyrinthe fascinant.
Thomas : C’est un morceau qui te prend en otage, si tu y rentres, tu n’en sors pas. C’est une sorte de pièce capitonnée.
Kitsuné Tabloïd by Phoenix (Kitsuné)
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