La tête froide mais pleine de souvenirs dingos, Christian de Phoenix nous raconte l’envers du décor de la remise de leur Grammy, et ce que le prestigieux prix représente, ou ne représente pas, pour eux. Une interview, et sa conclusion : les garçons restent incroyablement cool.
Comment avez-vous réagi, d’abord, à la nomination ?
Christian : C’était assez étrange : on était à New York, on l’a appris juste avant de monter sur scène. On n’y a pas cru, et on a réagi en jouant : surréaliste. Tout le succès de cet album nous semble de toute façon totalement improbable, pour nous c’est le disque le plus obscur qu’on ait fait : le Grammy était dans la droite lignée de toute cette folie, et on a réagi dans une sorte d’hallucination collective.
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Vous étiez déjà conscient de l’importance des Grammy, ou ça vous est venu ensuite, quand vous vous êtes rendu compte de la réaction hystérique autour de votre nomination ?
On a réalisé petit à petit l’importance qu’ont les Grammy aux Etats-Unis. On savait que c’était quelque chose de mythique, mais ça restait d’abord, pour nous, très irréel. On réalise depuis quelques jours de plus en plus clairement ce que ça représente. Même pour les Français, apparemment : j’ai reçu énormément de coups de fil, ça faisait longtemps que j’en avais pas reçu autant…
Tu parles d’un truc surréaliste : vous aviez l’impression d’être à votre place ?
On était quand même dans la même catégorie que Brian Eno… Pour moi, battre Brian Eno, c’est juste pas possible. Toute compétition dans la musique est de toute façon ridicule ; avec notre culture française, c’est quelque chose qu’on a du mal à prendre au sérieux. Les Américains, eux, prennent ce genre de compétition ultra sérieusement, comme un événement sportif majeur. Mais il y a aussi un côté magique, c’est quelque chose de traditionnel dans la culture américaine, et c’est fantastique à vivre. Mais bon, concrètement, je pense qu’on ne mérite pas vraiment ce Grammy.
[attachment id=298]Pourquoi penses-tu cela?
Par rapport à Brian Eno, impossible! De toute façon, dans notre esprit, le prix récompense plus notre entourage que nous-mêmes. Avec cet album, on a essayé d’inventer une nouvelle formule de diffusion de notre musique. On était auparavant sur une major company, on est désormais sur un label indépendant aux Etats-Unis. Et le label qu’on a choisi, Glassnote, nous a permis de définir cette nouvelle manière de travailler. On a fait des choses qui avaient alors été peu faites, comme donner un morceau en téléchargement bien avant la sortie de l’album –EMI ne nous aurait pas permis de le faire. EMI, ils étaient des centaines et on ne pouvait pas faire tout et n’importe quoi. Là, on a cinq personnes qui bossent pour nous, et qui nous laissent faire à peu près ce qu’on veut.
La soirée elle-même, comment l’avez-vous vécu ?
Là aussi, comme une expérience surréaliste et fantastique. On s’est retrouvé tous ensemble, avec notre manager Chag, avec notre ami d’enfance, comme des extraterrestres dans un truc totalement incongru. On était au cœur du système de l’entertainment américain. Un énorme système, avec ses qualités et ses gros défauts. Il n’y avait que des chanteurs de r’n’b, des énormes rappeurs, des chanteurs de country, de bluegrass. On était assis au milieu de plein de gens, Quicy Jones, Slash, Alice Cooper, MGMT, Jay-Z : c’était fou. L’Amérique dans toute sa splendeur et au milieu de tout ça : nous. En plein dans le truc, mais avec un regard totalement différent. On pouvait regarder tout ça, des chanteurs de gospel ou de country remercier leur producteur à Nashville, comme un drôle de spectacle. Une expérience assez agréable… A laquelle on a encore un peu de mal à croire. On s’est d’ailleurs filmés, en montant sur scène, comme pour garder une preuve de ce qui se passait.
Quand vous avez entendu votre nom, vous avez pensé à qui, ou à quoi ?
Encore une fois, ce prix ne change rien entre nous quatre. Qu’un album marche ou pas, notre relation reste la même. Mais pour les gens autour de nous, tout va changer –notre label, notre manager. On a beaucoup pensé à eux.
On vous a remis le prix dans une salle à moitié vide…
On a découvert quelque chose à propos des Grammy Awards, c’est que la cérémonie se déroule en fait en deux parties. Il y a environ 80 prix remis : c’est totalement dingue. La partie télévisée, que tout le monde peut voir, concerne quelques prix seulement, le reste se fait avant, à part, dans une autre salle. On était dans cette ambiance étrange, avec des prix surréalistes : le meilleur booklet, la meilleure réédition de coffret, ils ont inventé un prix pour tout. On a reçu notre prix, puis on est allé à la cérémonie télévisée.
Et David Guetta, vous l’avez croisé ?
On l’a juste croisé deux secondes. Je ne le connaissais pas, mais il avait l’air très heureux. Extrêmement, extrêmement heureux. Ca faisait plaisir à voir… (rires)
[attachment id=298]Le Grammy est une chose, mais vous avez aussi été disque d’or en France : c’est important, pour vous ?
Ca peut paraître prétentieux, mais d’une certaine manière, qu’un disque marche ou pas n’est pas si important que ça pour nous. On n’a jamais senti de vraie frustration : nos deux premiers albums ont moins bien marché, le troisième un peu mieux. Quand on enregistre, je veux juste que ça plaise à mes trois autres potes, on a toujours fonctionné comme ça, dès nos débuts à Versailles, on joue d’abord pour nous-mêmes, en quasi-autarcie. Tout le reste est du bonus. Mais jouer le Zénith à Paris : c’est fou, incroyable, fantastique. Etre disque d’or aussi. Reste que ce n’est pas le but pour nous. Vendre des disques, d’une manière égoïste, nous permet simplement d’avoir encore plus de liberté pour la suite, de pouvoir faire ce qu’on veut, avec encore moins de compromis.
Vous n’avez pas peur d’une sorte de décompression, de dépression après l’année folle que vous avez vécu ?
On est très méfiants vis-à-vis de ça, très conscient de ce qui peut se passer. On a sorti quatre albums, on a joué dans des bars, on a connu le non-succès. Et on sait que tout le monde passe par des hauts et des bas, c’est même le cas de nos artistes préférés –leurs disques les plus passionnants sont d’ailleurs souvent les plus confidentiels. C’est ce qui est le plus beau, dans une carrière. On est parés à faire tampon face à la tension. Les labels US hallucinent, d’ailleurs, ils prennent ça pour un trait de caractère français, une certaine forme de glande : eux poussent pour qu’on tourne sans arrêt, qu’on fasse des dizaines de trucs, et on passe de notre côté notre temps à freiner pour ne pas aller trop vite, pour ne pas nous épuiser, perdre toute forme de jus et de création. On sait que pour faire un bon prochain album, il ne faut pas abuser : dès qu’on sentira qu’on ne progresse plus en live, on arrêtera et on passera à la suite.
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