L’album monstrueusement gentil d’un audacieux franc-tireur de la chanson française.
Ils sont parmi nous. Les extraterrestres. L’un d’eux, ou peut-être même toute une famille, a pris possession du corps du chanteur français Philippe Crab. Il sort un disque de chansons composées avec les ingrédients du genre (des instruments, du chant, des textes), mais c’est l’excentricité de leur combinaison qui révèle leur caractère pour le moins aliéné. Ici, les guitares frétillent et rebondissent, des bébés pleurent dans les chœurs, les harmonies dévient, la langue est un jardin sauvage, une glossolalie d’où nous parviennent quelques bribes de sens.
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Dans ses influences (parce qu’il faut bien se rattacher à quelque chose), Philippe Crab cite Zappa ou Ornette Coleman. On pourrait ajouter Katerine, Comelade ou Captain Beefheart, parce que Fructidor est un peu le Trout Mask Replica de la chanson française, son aberration géniale. Au contraire de la chanson réaliste, Philippe Crab ferait donc de la chanson de science-fiction, d’une autre dimension, en métamorphose permanente.
Sa tradition et ses règles ne sont pas les nôtres, on ne comprend pas. Sa chanson fonctionne exactement, elle est à peu près impossible à décrire, mais on s’habitue très vite à son excentricité. Parce qu’avant d’être étrange, elle est joyeuse et joueuse, jaillissante, audacieuse, généreuse, inventive, libre, finalement plus lumineuse qu’absconse. Comme un cri primal lâché sans crainte de déranger les voisins, sans savoir même qu’il y a des voisins.
Branche historique du label Le Saule, cette saine entreprise de refonte de la chanson française, Philippe Crab vient d’accoucher d’un album comme un monstre gentil, tellement plus désirable que la banalité de la norme.
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