Avec Streetwork, l’Américain Philip-Lorca diCorcia présente des photographies inédites sur les visions urbaines : le quotidien pris au vol.
« Quand j’arrive dans un lieu, je détermine l’angle de vue. A partir de là, je place une batterie de flashs sur des lampadaires ou des façades d’immeubles. Ils sont synchronisés avec mon appareil photo par un radio-transmetteur. Je teste un instant les lumières avec un Polaroid. Puis je photographie tout ce qui se passe. » A l’écouter, Philip-Lorca diCorcia installe un véritable piège pour réaliser ses photos. Son terrain de chasse : les rues des grandes villes (New York, Paris, Berlin, Tokyo…). Ses prises : les passants. A la fin des années 70, encore étudiant à la School of the Museum of Fine Art de Boston, il trouve sa voie et son propre style en photographiant ses proches et sa famille dans leur quotidien, leurs appartements. Aujourd’hui, il mène de pair une carrière artistique et des collaborations avec divers magazines.
Depuis 1992, Philip-Lorca diCorcia a commencé une nouvelle série, Streetwork, exposée pour la première fois en France à la galerie Almine Rech. Des clichés d’Inde, du Mexique et de Paris, place de l’Opéra. La lumière, le pas suspendu d’un homme, le regard intrigué d’une femme suggérant un hors-champ supposent une atmosphère cinématographique. On se souvient des premiers films de Wenders, mais aussi des tableaux de Hopper. De tout évidence, les photos de Philip-Lorca diCorcia en appellent aux références culturelles, voire à une idée d’art postcinématographique. Mais penser cela, ce serait aller trop vite en besogne et aller à contre-sens de la démarche du photographe : « Je ne cherche pas à prendre un cliché sur le vif ni à créer des mises en scène cinématographiques comme sur un plateau de tournage. Je cherche à éliminer les clichés.«
Bien sûr, il y a les lumières, ces lumières si particulières, chaudes et plastiques à la fois. Philip-Lorca diCorcia profite de la réversibilité de la situation, « la lumière est là pour éclairer, pour rajouter un élément dramatique ». Tout se passe dans la rue, théâtre de la confusion, de la vitesse, de l’affolement, des bousculades, du bruit… Mais rien de cela dans ses photos : « Je capture les moments où rien ne se passe, je ne m’intéresse pas aux événements. » Comme un souffle retenu, le temps est suspendu, la photo silencieuse et ordonnée. Pris dans la foule, dans ses pensées, dans son action, peut-être même dans sa solitude, le passant est saisi, isolé, mis en valeur par la lumière. « Je cherche à savoir comment on peut comprendre les gens. Dans mes photographies, les gens ne sont pas eux-mêmes, ils sont représentatifs d’un état du genre humain. »
Avec Streetwork, Philip-Lorca diCorcia réalise le portrait d’un homme moderne au milieu d’autres individus, un businessman, un anonyme… D’une certaine manière, ce ne sont plus les bourgeois d’antan qui posent devant les peintres, mais le photographe qui saisit le moment où les personnes se révèlent de par leur apparence : la bousculade d’un homme pressé, la détermination dans le regard d’un autre. Ses photos sont attractives, elles rappellent beaucoup d’images et de situations du quotidien mais elles n’en sont pas un miroir. Si l’émerveillement est de rigueur, l’évidence est toujours trompeuse, Philip-Lorca diCorcia aime reprendre cette phrase de Picasso : « L’artiste ment, mais il dit la vérité. »
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