Phil Everly, membre des Everly Brothers, est mort à l’âge de 74 ans
Bouhouhou ! je vais aller pleurer sous la pluie… La disparition de Phil Everly me secoue encore plus que celle de Lou Reed. Bien sûr, les Everly Brothers étaient retirés des micros depuis des lustres et leurs hauts faits d’armes remontent à plus de cinquante ans, mais ils étaient de ces groupes que l’on dit « séminaux ». Les deux frangins du Tennessee ont engendré les Beatles, les Byrds, les Beach Boys, Simon & Garfunkel et tous ceux qui harmonisent dans la sphère country-pop-rock depuis, ce qui fait un paquet de monde jusqu’à aujourd’hui.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
« La tristesse glandulaire de l’adolescence »
Les Everly avaient donc les quatre pieds fermement plantés dans le terreau country rockab’ mais les deux têtes et les deux voix orientées vers la voûte céleste des mélodies pop, des arrangements épurés, des harmonies vocales mélancoliques et des chagrins de la jeunesse. « La tristesse glandulaire de l’adolescence », avait un jour écrit Philippe Garnier, et ça les résumait parfaitement. Certes, ils connurent une enfilade de tubes avec des rocks allègres et sautillants, ces Bye bye love, Claudette, Bird dog, Wake up little Suzie ou autres Walk right back, d’une force propulsive et d’une finesse d’exécution sans égale, guitares piquantes et vibratos des timbres à l’unisson. Mais le génie des Everly, à mes oreilles, résidait dans ces ballades ruisselantes de spleen, véritables petits mélos teenage concentrés en 2 ou 3 minutes. Crying in the rain, chef-d’œuvre mélodique et vocal ou le narrateur pleure sous la pluie pour cacher ses larmes à la Claudette qui vient de le larguer. All I have to do is dream, chanson en apesanteur où un garçon se contente de rêver à sa chérie pour être comblé : élève Everly, chez le proviseur, ou vous répondrez de vos allusions à la masturbation ! Le sublime Take a message to Mary, dans laquelle un jeune cowboy injustement arrêté suite à une attaque de diligence demande qu’on transmette un message à sa Mary : « dites-lui que je suis parti pour Tombouctou, que je suis parti chercher de l’or, que je l’aime toujours, mais surtout ne lui dites pas que je suis en taule ». Ce texte-là, associé à cette mélodie-là, porté par les voix séraphiques de Phil et Don et une prod’ à l’os, c’est l’art mineur de la chanson porté à son plus majeur niveau, c’est l’or pop si fréquemment recherché et si rarement trouvé.
So sad to watch you dead, but all I have to do is dream.
Dans le coffre aux trésors Everly, on pourrait encore puiser Ebony eyes, Devoted to you, Maybe tomorrow, When will I be loved, ou l’emblématique So sad… Sans oublier leur élégance, leur tenue : “deux petits fenechs” écrivait encore Garnier, métaphorisant leurs traits fins, leurs regards timides, leur quasi-gemellité sanglée dans des costumes sombres, boots pointues et gomina, chic fifties de la tête aux pieds. Pas des bad boys, plutôt de bons fils à papa maman, des collégiens timides, des premiers rangs de la chorale du lycée, d’humbles provinciaux portés par l’appel du rock et le don de cordes vocales en diamant. Phil était le cadet, celui qui sur les photos a la chevelure un peu plus claire, les oreilles un poil plus décollées, la beauté moins parfaitement classique. So sad to watch you dead, but all I have to do is dream. Rêver et réécouter encore et encore vos sublimes chansons.
{"type":"Banniere-Basse"}