Petit Fantôme est l’auteur de l’un des plus beaux album -une mixtape gratuite, plutôt- des derniers mois : interview.
Sensible, belle, vallonnée, chamboulante, exaltante, intime, changeante, surprenante. Les qualificatifs ne manqueront jamais car chaque âme, conquise ou bouleversée selon ses propres besoins, blessures ou besoins d’épiphanie, risque de choisir les siens propres : la mixtape (comprendre : une collection de 11 vraies chansons) de Petit Fantôme, depuis quelques semaines, continue à hanter les jours doux, les nuits sombres, les jours tristes et les nuits joyeuses de tous ceux qui l’ont déjà écoutée.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Elle s’appelle Stave et Pierre Loustaunau, son auteur et l’une des Atlas Mountains de François, a fait mieux que de l’écrire, la mettre en boîte, la mettre sur plastique, la mettre sur iTunes, la jeter dans le commerce : il l’a il y a quelques semaines, avec un site dédié magnifique, offerte au monde, geste gratuit, geste noble, comme on lui offre une chance, rare, de se confronter aux vraies beautés.
Stave est disponible, en écoute et en téléchargement libre, à cette adresse et sur ce site impressionnant : passer de cette grande oeuvre à côté serait, sinon criminel, du moins très triste. Et, pour en savoir plus, Petit Fantôme a répondu à quelques unes de nos questions.
ENTRETIEN
Comment t’es venue l’idée de faire une mixtape ?
J’étais au début vraiment dans l’idée de faire un album, mais plus j’avançais, moins je trouvais que ça ressemblait à un album, ou du moins de ce que j’attendais d’un album. J’étais hyper gêné de me dire que les gens pouvaient payer 9 euros pour un mec qui se plaint sur chaque morceau (rires).
C’est pourtant toute l’histoire de la pop…
Oui mais je n’ai pas envie de ça, je veux quelque chose de plus chaleureux, de plus joli. Là, c’est très personnel, un peu trop sans doute. Je parle à des gens, à des gens qui vont se reconnaître, sur chaque chanson. Et d’une certaine manière je suis vraiment désolé pour ça. J’ai une copine pour qui ça a été assez difficile, elle respecte le truc, mais on évite d’en parler. Je ne règle aucun compte, mais je parle d’histoires que j’ai eues, qui m’ont marquées. J’avais besoin de le faire. Je ne sais pas pourquoi, je devrais sans doute plutôt parler du présent, ou du futur…
Aitatxi parle de ton grand-père, par exemple.
Oui, « Aitatxi » signifie « grand-père » en basque. Il est toujours là, mais en fin de vie -il va un peu mieux, il n’était pas bien quand j’ai écrit la chanson. J’étais en tournée, je ne pensais qu’à lui, j’ai écrit le morceau en une journée.
Tu sembles souvent peu confiant de ce que tu fais.
Je sais pas. Je fais mon truc, je ne sais pas ensuite ce que ça provoque. J’avance, je fais ma musique, et je vois.
C’est une attitude assez punk…
Sans doute, oui. Je ne me mets aucune barrière.
Est-ce que c’est propre à Stave, ou est-ce que ça peut changer pour l’album ?
Je ne sais pas. Mais la mixtape m’a bien aidée : j’ai tout fait chez moi, j’ai beaucoup bossé le son. Il me tarde de commencer à maquetter, de faire de nouveaux morceaux pour l’album. Et je pense travailler avec quelqu’un, pour que ça sonne mieux.
Pourquoi la gratuité totale de la mixtape ? Ca part de quel principe ?
Je suis en vraie réflexion, et encore bourré de paradoxes là-dessus : est-ce que la musique doit être gratuite ou payante ? Les choses ont changé, les choses continuent à changer ; pour ma part, filer des simples fichiers et les faire payer 10 €, je trouve ça un peu bizarre. Même à prix libre, je me voyais mal faire ça, je me suis dit : « T’as du temps, t’es intermittent, t’as tout fait chez toi, t’as pas investi d’argent… » Même le site a été plus ou moins gratuit, on a fait ça entre potes, tout le monde était à fond. Je suis content, content d’avoir fait ça, avec des copains passionnés, on ne génère pas d’argent, ça me va parfaitement. Et personnellement, j’adore le partage de la musique, j’adore qu’on me file des disques, j’aime l’idée que l’art soit gratuit.
Et ce mot, mixtape, il te vient d’où ? De ce qui se fait en rap, en hip-hop notamment ?
Oui, exactement. J’en télécharge plein, tout le temps, j’ai voulu faire pareil (rires). Après, plein de gens n’ont pas compris ce que c’était, il pensaient juste que j’avais fait une compilation des trucs que j’aime bien. J’aurais pu appeler ça « album », mais je ne voulais pas que ce soit identifié comme un premier album.
Quand les chansons ont-elles été écrites ?
Certains, Être honnête ou Couvre-moi, ont été commencées en fin de tournée avec François & the Atlas Mountains. J’avais aussi une ébauche pour Peio : c’est la première que j’ai véritablement enregistrée, le 31 décembre 2012, parce que je ne voulais pas faire le réveillon. Peio est un hommage à Mikel Laboa, un chanteur basque, qui est un homme formidable. Un médecin qui faisait du folk basque, mais qui aussi allait enregistrer des sons de nature, d’oiseau, dans la campagne basque, et qui expérimentait avec. Et qui a fait de très très belles chansons ; l’originale est vraiment magnifique. Une copine me la chantait souvent, c’est aussi un morceau que beaucoup d’enfants connaissent, car une comptine reprend le même air. Les jeunes adorent Laboa, il fait vraiment partie de leur culture, c’est un Dieu pour certains d’entre eux.
L’enregistrement s’est fait assez rapidement ?
Oui, à peu près jusqu’à la Saint-Valentin ; du Réveillon à la Saint-Valentin, je me mets des objectifs précis (rires). Les chansons ont été enregistrée dans l’ordre du tracklisting de Stave, avec des jours où je bossais intensément, et d’autres beaucoup moins.
Dès le départ, tu avais cette idée de mixtape en tête ?
Non, pas du tout. Ca m’est venu au bout deux deux ou trois chansons : je trouvais ça un peu trop triste. J’ai commencé à me prendre un peu la tête, à entrer dans des concepts, à moins m’amuser. Puis je suis arrivé à la chanson Redevenir et autre chose s’est dessiné : c’est du punk, je me suis dit « Fais ce que tu veux, amuse-toi, fais du punk ». Je l’ai enregistrée en deux heures, et ça m’a libéré pour la suite. C’est aussi ce morceau qui fait la cassure sur Stave, qui donne les deux couleurs ; la première, j’étais à fond dedans, c’était cérébral, je me prenais un peu la tête, mais ensuite un peu moins.
As-tu l’impression d’avoir fait Stave pour que les gens « valident » tes chansons ?
Non, pas du tout. Je n’ai pas l’impression d’avoir besoin d’être validé, d’une quelconque manière. Et si personne n’aime ma musique, tant pis, je continuerai à en faire quand même. Je n’attends rien, je ne suis pas carriériste, je sais que je vais faire un album, des concerts, mais je n’imagine rien d’autre, j’ai pas de contrat chez Universal. Je fais les choses comme elles se présentent.
Que peux-tu me dire des influences de Stave ?
Il y a toujours un peu de Grandaddy, évidemment. Mais après, c’est moins clair, c’est du moins plus diffus. Peut-être Clams Casino pour Le Passage, Hubert Mounier sur Un garçon sans courage, parce que j’adore L’Affaire Luis Trio, un peu Deerhunter sur certaines choses, Michel Berger, ou Véronique Samson. J’écoute tout ça… Je ne sais pas si je peux intéresser tout le monde : trop variété pour les indés, et trop indés pour les amateurs de variété.
{"type":"Banniere-Basse"}