Un simple clic peut bouleverser une âme. Il suffit de télécharger librement Stave, du Français Petit Fantôme, collection de chansons saisissantes de beauté et de sincérité. Critique.
Stave est en écoute et téléchargement à cette adresse.
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« Si personne n’aime ma musique, tant pis : je continuerai à en faire. Je n’attends rien, je ne suis pas carriériste, je n’ai pas de contrat chez Universal, je sais que je vais faire un album, des concerts, mais je n’imagine pas plus loin. Je fais mon truc, je ne sais pas ce que ça provoque ensuite.” Pierre Loustaunau, Petit Fantôme en solo, et, en groupe, l’un des membres des Atlas Mountains d’un François décidément bien entouré. Il explique ainsi son “truc”. Son “truc” ? Une mixtape nommée Stave. Par mixtape, ne pas comprendre compile ou mix pour soirées cool : Stave regroupe onze nouvelles chansons du Landais, hautement variables mais invariablement magnifiques. Un faux album mais un vrai chef-d’oeuvre – on a longtemps pesé ce superlatif –, distribué gratuitement via un site impressionnant, lâché comme l’océan laisse les vagues se dérouler, infinies et libres.
“J’étais, au début, vraiment dans l’idée de faire un album. Mais plus j’avançais, moins je trouvais que ça ressemblait à ce que j’attendais d’un album – je veux pour ça quelque chose de plus chaleureux, de plus joli, qui sonne mieux. J’étais aussi hypergêné de faire payer 9 euros aux gens pour un mec qui se plaint sur chaque morceau (rires)… Je suis en vraie réflexion et encore bourré de paradoxes là-dessus. Est-ce que la musique doit être gratuite ou payante ? Les choses ont changé, continuent de changer. Pour ma part, filer des simples fichiers et les faire payer le prix d’un objet, je trouve ça un peu bizarre. Je me suis dit : ‘Tu as du temps, tu es intermittent, tu as tout fait chez toi en quelques semaines, tu n’as pas investi beaucoup d’argent…’ On a fait ça entre potes, tout le monde était à fond. Je suis content d’avoir fait ça avec des copains passionnés, on ne génère pas de revenus et ça me va parfaitement.”
Comme tout le monde, le jour J à l’heure H, impatient car déjà admiratif du précédent maxi de Petit Fantôme, Yallah, on a donc mis nos coeurs entre les mains de Stave d’un simple clic sur une icône “téléchargez”. Un clic : la légère pression d’un doigt inattentif sur un bidule en plastique auquel plus un neurone ne fait attention depuis des lustres, généralement sans grande conséquence. Cette fois, le petit clic fut payé, en retour, d’une grande claque ; le geste innocent a chamboulé l’âme comme un glissement tectonique. Difficile de dire l’indicible, d’expliquer la sorcellerie, impossible, surtout, de savoir quels nerfs, quelles sensibilités, quels souvenirs lumineux ou réminiscences affreuses Stave a réveillés.
A chacun ses raisons de changer d’horizon. Celles de Petit Fantôme étaient, lors de l’écriture du “truc”, tournées vers lui-même : une libération indispensable, une catharsis avant de passer à l’avenir. “Stave est très personnel, un peu trop sans doute. Je parle à des gens sur chaque chanson, des gens qui vont se reconnaître. D’une certaine manière, j’en suis vraiment désolé. Je ne règle aucun compte mais je parle d’histoires et de choses qui m’ont marqué. J’avais besoin de le faire.” Les textes ? Sobres, directs comme de petits uppercuts poétiques, des révélations d’une sincérité foudroyante, quelques mots terribles de sens, quelques phrases pour redorer à jamais les espoirs. Une affaire de vies et de morts, d’unions-feux d’artifice ou de ruptures âpres, de dépressions variables ou de joies aquatiques.
La musique ? De Peio, introduction magique, chantée en partie en euskara et hommage au héros basque Mikel Laboa, aux petits tubes pop parfaitement imparfaits L. ou Dans le vent, de la coulante Etre honnête à l’électronique tordue et cauchemardesque de l’immense Passage, du punk revigorant de Redevenir ou Couvre-moi à l’évidence d’Un garçon sans courage ou de l’autre bel hommage Aitatxi (“grand-père” en basque), elle est belle à pleurer à chaque écoute, variable comme les préférences tous azimuts de son auteur.
“Il y a toujours un peu de Grandaddy, dont je suis fan. Pour le reste, c’est plus diffus : peut-être Clams Casino pour Le Passage, Hubert Mounier sur Un garçon sans courage, parce que j’adore L’Affaire Louis’ Trio, ou du Deerhunter, Michel Berger, Véronique Sanson… Je ne sais pas si je peux intéresser tout le monde : trop variété pour les indés, trop indé pour les amateurs de variété peut-être.”
Ou pas. Il a suffi de s’écouter d’abord, d’écouter les autres ensuite, de voir les réactions sur les réseaux, autour de soi, pour comprendre : Stave a déjà bouleversé, profondément, durablement, au sens beau du terme toujours, au sens douloureux du terme parfois, une grosse poignée d’existences.
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