Sur un album de pop totale en équilibre entre brillance et dépression, le Québécois Peter Peter dresse un portrait passionnant de lui-même et de ses contemporains : angoisses, fêtes et fuites en avant. Rencontre, critique et écoute.
Sur Tergiverse, single-clé de voûte de son premier album paru en 2011 chez lui au Québec, Peter Peter chantait, en duo avec Cœur de Pirate : “Et mes bas en effet vont trop bas/Et mes hauts ne vont jamais assez haut”. Trois ans plus tard, c’est à Paris que l’on questionne le jeune homme. Gueule parfaite d’ange sexué aux yeux trop bleus pour être vrais, charisme magnétique, humour et intelligence à l’évidence instantanée…
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Angoisses existentielles
Un brin jaloux, admiratif aussi du romantisme pop de son deuxième disque Une version améliorée de la tristesse, on se demande comment un être aussi parfait d’apparence peut planquer d’aussi profondes griffures.
“Je suis quelqu’un de spontané, mais aussi de très anxieux, instable, explique le Québécois. Je suis assez bipolaire, les humeurs peuvent varier assez vite : il y a plusieurs journées dans une seule.”
Il y a surtout eu chez lui, pendant longtemps, plusieurs nuits dans une seule. Car c’est dans ce qu’il appelle le “bal des lycanthropes”, dans les vapeurs alcoolisées et la brume béate des soirées où la mélancolie se noie à mesure que les verres se remplissent, que cet admirateur des poètes maudits a soigné ses angoisses existentielles. “Moi et mes amis travaillons fort/A noyer la douleur et l’ennui/ Nous forgeons au sein de nos ivresses une version améliorée de la tristesse”, chante ainsi le garçon sur l’ouverture de l’album, qui comporte également un morceau nommé MDMA.
“Une version améliorée de la tristesse parle de moi et de cette tristesse collective que je peux observer autour de moi, des oiseaux de nuit qui vont noyer leurs incertitudes dans la facilité de la fête. On vivait tous les mêmes choses, on arrivait tous vers les mêmes types de doutes : certains se retrouvent face au vide à la fin de leurs longues années d’études, d’autres se rendent compte qu’ils ont fait les mauvais choix, les relations amoureuses se délitent…”
Version déformée de la pop
De cette fuite en avant, désormais calmée grâce à la catharsis de l’écriture, surgit une comparaison : Peter Peter pourrait être une version moderne de Dorian Gray. A une différence près – majeure : le Québécois, lui, ne dissimule rien.
“J’ai un amour pour la vulnérabilité, je ne veux pas faire semblant d’être une icône pop, je veux toujours me montrer sous mon vrai jour, avec les défauts et les insécurités que ça comporte. J’aime le faire sans avoir à me transformer, sans avoir à me conformer aux codes de la mafia du goût.”
Dans sa version 3.0 du romantisme, Peter Peter a donc décidé de tout montrer de ses questions intimes, autant que de sa vision particulière, totale, de la pop-music. Car s’il se fout à poil dans ses textes, le garçon, qui revendique haut et fort la spontanéité du punk, montre également beaucoup de choses dans sa musique. Bourré de petits tubes mélancoliques qui ne cessent de rebondir sur les neurones, Une version améliorée de la tristesse est aussi une version déformée, éthylique, de la pop.
Comme les morceaux qui suivent, Carrousel, MDMA, Tout prend son sens, Réverbère ou Les Chemins étoilés, l’ouverture-titre donne le ton, assez unique, de l’album. Les nappes de synthés métalliques et froides sous les néons crus se heurtent au charnel bouillant de saxos assumés, tandis que les pianos, rythmiques et mélodies dance ou sautillantes se heurtent à une voix de belle soie déchirée et à des mots souvent forts. Un tourbillon sensoriel déstabilisant et excitant, comme celui que traversent les consciences quand elles s’enfoncent dans les méandres changeants de nuits extrêmes, joyeuses et tristes à la fois.
Concerts le 26 mars à Toulouse, le 28 à Avignon, le 2 avril à Strasbourg, le 8 à Lille, le 26 à Bourges
{"type":"Banniere-Basse"}