Doherty a 30 ans, s’appelle désormais Peter et a retrouvé son songwriting d’antan pour un joli premier album solo. Plus sincère et loquace que jamais, il se souvient de son enfance dans une base militaire, de ses débuts avec les Libertines et avec la drogue dans un entretien fleuve.
Penses-tu que ta vie serait différente s’il n’y avait pas eu la drogue ?
Pas tant que ça. La plupart des gens qui évoluent autour de moi dans le cadre professionnel ne se droguent pas. Certains de mes amis le font. Cela dit, ça aurait probablement été plus facile. Je ne serais pas allé en prison. J’aurais été en forme. Mais j’ai la chance de guérir assez rapidement. Physiquement et mentalement. La seule inconnue, c’est combien de fois on peut récupérer.
[attachment id=298]Tu as d’ailleurs un passé assez sportif. Fan de football, créateur du fanzine All Quiet on Western Avenue sur l’équipe des Queens Park Rangers…
Ça me paraît si loin. Petit, j’aimais beaucoup le football, j’y jouais sans arrêt. J’aimais le sport en général. Je faisais de l’athlétisme, le 800 et le 1500 mètres, le cross-country. J’étais assez rapide. La dernière fois que j’ai couru ainsi, je devais avoir 16 ans.
Te reconnais-tu dans le portrait que les médias dressent de toi ?
On ne peut pas faire grand chose, surtout avec les médias britanniques et en particulier la presse à scandale. Ils se régalent de cette excentricité. Mais c’est une image déformée. Les gens pensent que je suis plus petit par exemple, je ne sais pas pourquoi (il mesure plus d’1,90 mètre – ndlr). Ce sont toujours des petites attaques personnelles qui n’ont pas beaucoup d’effets mais qui s’accumulent. Du coup, je m’amuse parfois avec ça. Je prends des journalistes en otage, j’attrape leurs appareils photo, des trucs idiots.
Tu as participé à l’émission de télé-réalité 24 Hours sur MTV. Ils ont filmé chez toi…
Je pensais simplement faire un petit concert filmé. Je ne savais pas que ce serait des caméras plantées chez moi pendant 24 heures. En plus, je n’ai pas été payé, alors qu’ils ont déjà diffusé l’émission six fois. Aujourd’hui, je fais profil bas, je vis à la campagne et ils ne me trouvent pas.
Comment se passe ta vie là-bas ?
C’est calme et sombre. Mais je vais à Londres deux fois par semaine. Sinon, je mène une vie ordinaire à la campagne. Je me réveille, souvent sur un siège, et il me faut vingt minutes avant de pouvoir bouger parce qu’il fait très froid. Je téléphone à quelqu’un pour avoir du lait, je vais faire une petite promenade. Je retourne sur mon siège, je regarde des films. Je n’ai pas vraiment d’amis là-bas.
Lorsque tu repenses aujourd’hui aux Libertines, as-tu la sensation que le succès est arrivé trop vite ?
Pour être honnête, j’ai trouvé qu’il mettait trop de temps à arriver. J’étais inquiet et confiant à la fois, je me disais : “Tôt ou tard, nous allons vendre des disques et être célèbres.” Mais ça n’arrivait pas. Tout s’effondrait, nous perdions les batteurs, les bassistes. Carl n’y croyait plus, il voulait qu’on remballe. Il en avait marre de jouer des petits concerts devant deux personnes et était persuadé qu’il allait terminer seul avachi sur un lit à manger des haricots sauce tomate toute la journée dans une chambre derrière de vieux rideaux fermés. Il avait perdu la foi. De mon côté, j’ai toujours gardé l’espoir. Je pensais être déjà célèbre de toute façon. Je m’habillais comme si j’étais célèbre.
Comment expliques-tu cet optimisme ?
C’était impensable que ça ne fonctionne pas, cela aurait été trop de souffrance. J’ai toujours cru que les choses finiraient comme je l’avais prévu. Je voulais écrire des chansons qui pourraient être jouées à des gens. Des chansons qui parleraient du fait de ne pas trouver sa place. Après, il y a eu une seconde partie à laquelle je ne m’attendais pas : les problèmes, Londres, les blessures. Tout a changé. On a d’abord gagné de l’argent. J’étais en couple avec une fille depuis quatre ans. Dès qu’on est devenus célèbres, elle m’a quitté, elle a dit que j’avais changé en une nuit. C’est probablement vrai. Parce que je suis devenu célèbre pour de mauvaises raisons, pour la drogue, les embrouilles, les bagarres. S’il n’y avait eu que les fans, il n’y aurait pas eu ce type de célébrité superficielle. J’aurais résisté, j’aurais été moins paranoïaque.