Blessé léger. Ce dixième album capiteux marque une nouvelle étape du journal intime d’un incorrigible sentimental. Chanson Emule de notre Clo-Clo national, Alain Chamfort avait cosigné il y a vingt ans son premier album… rock avec… Serge Gainsbourg ! Toujours “entre-deux”, à la manière de Christophe, il prend un malin plaisir à brouiller les cartes, […]
Blessé léger. Ce dixième album capiteux marque une nouvelle étape du journal intime d’un incorrigible sentimental.
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Chanson Emule de notre Clo-Clo national, Alain Chamfort avait cosigné il y a vingt ans son premier album… rock avec… Serge Gainsbourg ! Toujours « entre-deux », à la manière de Christophe, il prend un malin plaisir à brouiller les cartes, avec le soin extrême de ne jamais être là où on l’attend. Enfourchant à ses débuts un rhythm’n’blues fastueux manufacturé à Los Angeles (Rock’n’rose), à défaut d’adopter un style reconnaissable, il opère une série de Poses au début des années 80 et enregistre l’ineffable Manureva. Puis, évitant avec précaution le rouleau compresseur du disco, il dessine sur les pistes son propre rythme de danse, un funk délicat, moite et exotique (Amour, année zéro et Secrets glacés) qui culmine dans de rougeoyantes Tendres fièvres avec une ahurissante transposition par Boris Bergman d’un titre de Barry White, rebaptisé Déchaîne-moi ! Ceinturé de samplers, la voix cachée derrière les machines, Chamfort aborde les années 90 avec l’album Trouble, sûr désormais de son swing élégant et gracile. Mais le masque se brise avec Neuf, dévoilant un chant plus intime, dont la simplicité de l’accompagnement instrumental est l’écho naturel.
Dixième opus du doux Alain, Personne n’est parfait est justement le plus parfait des disques de Chamfort. Non que son sens des jeux de mots se soit complètement débridé il y manque ce soupçon de loufoquerie et cette touche de dérision chers à Bashung , mais Chamfort, éternel dandy désabusé, auréole chacune de ses paroles d’un cortège de notes, adéquat et condensé. Jamais sa voix n’a été aussi présente, troublée (Si tu t’en allais), nauséeuse (Contre l’amour), insidieuse (Aucune différence) ou enjouée Les Majorettes, tube imparable. Eternel adolescent, Chamfort déambule en pyjama rayé parmi des lolitas dénudées ; c’est un monde sans avenir et sans issue qui, invariablement, se termine par les sanglots longs des violons. En ce sens, il est le frère de Leonard Cohen, poète nonchalant et barde d’un temps illusoire, trop épris de lui-même pour ne pas conclure le pacte de la jeunesse éternelle, « D’autant que ce que je demande, ça se trouve pas chez votre marchande, c’est à Lucifer qu’on passe ce genre de commande, et j’doute que ce salaud m’entende » (La Plainte du blessé léger). Ce n’est que moi (« Votre vieil Alain ») clôt en beauté cet album intime d’un égaré. Dépité, Chamfort ironise sur lui-même à la manière de Christophe (L’Interview de Bevilacqua), par le biais d’une fausse confession, drôle et acerbe. On en redemande.
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