Quinze années après, on est stupéfait par la violence et le mystère intacts de ces chansons fondamentales. On en veut sincèrement à toutes les imbécillités qui, des années durant, nous ont séparés de force de Joy Division. En France, récupéré par les charognards de la cold-wave, par leur romantisme de touche-nouille, le groupe nous échappa […]
Quinze années après, on est stupéfait par la violence et le mystère intacts de ces chansons fondamentales.
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On en veut sincèrement à toutes les imbécillités qui, des années durant, nous ont séparés de force de Joy Division. En France, récupéré par les charognards de la cold-wave, par leur romantisme de touche-nouille, le groupe nous échappa lentement, prenant l’odeur de cadavre de ses adorateurs transis. On perdit totalement Joy Division de vue, souvenir embarrassé d’une jeunesse qu’on imaginait laxiste et puérile.
Il suffit de trois morceaux de Permanent ? terrassante entrée en matière: Love will tear us apart, une des plus bouleversantes chansons de tous les temps, Transmission et She s lost control’ pour se convaincre qu’on n’avait pas rêvé, rien exagéré. Quinze ans après, ces morceaux volés aux singles, à Unknown pleasures, à Closer conservent une violence et une fermeté encore sidérantes aujourd’hui. Alors que ce fameux son abyssal et dense, ce fascinant mille-feuilles de bruits et de fureur semblait condamné à ne rester qu une monstrueuse anecdote de l’histoire du rock, on est aujourd’hui stupéfait de constater qu’il a conservé toute sa puissance, toute sa pertinence. Suffisamment fascinant pour qu’on continue sans répit les recherches géologiques dans les tréfonds de Twenty-four hours ou d’Atmosphere, du vacarme glacial de Therapy à la house sensuelle de Moby. Rien que pour ce son, sa fureur irrésistible, son grand souffle, s on imposera l’achat de cette compilation.
Reste les chansons. Des chansons qui «donnent envie de pisser à la face de Dieu » comme l’écrivait joliment un journaliste anglais à la sortie d’un de leurs concerts. Des chansons où l’on se bat beaucoup: entre la médiocrité des auteurs et leurs rêves d’absolu, entre les instruments qui se dévorent comme des chiens, entre la laideur d’une vie et la splendeur des rêves. Pauvres types de Salford ou Macclesfield ? chacun ses Valenciennes ? destinés à rien, Sumner, Curtis, Hook et Morris approchèrent comme peu de groupe l’excellence, touchant malgré eux le sublime que les autres ne peuvent qu’envisager. Moments rares, uniquement réservés aux innocents, du Velvet Underground aux Smiths, de Joy Division aux te Stooges. « Que feras-tu quand l’effet de surprise ne jouera plus ? » s’étrangle Ian Curtis sur Novelty. Ignoré par l’usure du temps, l’effet de surprise joue encore, terrifiant et merveilleux. Permanent est le mot.
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