Orelsan est le nouveau wünderkid du hip-hop français : avec un premier album drôle et désespéré, ce jeune normand met en scène sa vie avec une lucidité déconcertante.
Vous vous demandez comment vit le jeune mâle de province qui se lève par exemple le dimanche vers 13 h 30 avec un vieux goût de whisky coke dans la bouche, checke son portable pour voir les SMS foireux qu’il a envoyé à 2,6 grammes à plusieurs filles dont certaines très laides en revenant de boîte (si toutefois il est rentré), fini une pizza froide de l’avant-veille qui traîne au pied de son lit et se traîne en slip jusqu’à sa console pour finir une partie de je sais pas quoi en réseau avec son pote Guillaume qui habite pourtant juste en face.
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Ben c’est simple : pour savoir il va vous falloir, mais à tout prix, écouter le premier album d’Orelsan, Perdu d’avance, qui est tout simplement l’un des disques de hip-hop français les plus surprenants entendu depuis des lustres. Orelsan, c’est Aurélien, un mec de 26 ans, originaire de Caen (il vit d’ailleurs encore à quelques encablures du Stade Michel D’Ornano, vive Franck Dumas), qui a une tête de mec normal mais qui sera bientôt plus à la mode que les tripes bien connues de son patelin.
La facilité voudrait qu’on compare le travail d’Orelsan à celui d’Eminem ou celui de Mike Skinner de The Streets : parce que l’ambiance est white trash, entre soirées lose et manque (ou carrément absence) de meufs ; mais aussi parce qu’il possède comme ses deux aînés une capacité de storytelling déconcertante. Chez Orelsan, qui trouve ces comparaisons “flatteuses mais un peu rapides”, les histoires se racontent à la pelle, avec toujours le détail qui tue, la punchline qui tombe sur la chaussure : on croise des types qui s’appellent vraiment Claude, des no life pourris avec leurs cheveux gras et leurs doigts blancs, on voit les râteaux se prendre en direct, les 8.8 se descendre à toute vitesse, les kebabs se manger devant un match de Coupe de la Ligue, pendant que ça télécharge grave des films de boule ou des séries en bois sur e-mule.
C’est drôle et désespéré, lucide et décalé, toujours un peu plombé, on est entre la nonchalance aimable du Doc Gynéco du premier album et la rage diffuse de Diabologum (écoutez attentivement Peur de l’échec, probablement la meilleure chanson du disque).
Mais ce qui fascine surtout chez Orelsan, c’est cette propension à emmener le hip-hop sur son propre terrain avec autant de facilité. Quand Jay-Z vous assène que la rue regarde (Street is watching), Orelsan pourrait lui répondre, avec son poil d’accent normand, qu’on peut aussi se contenter de regarder sa rue, d’écrire local pour mettre en scène global, en racontant ses équipées au Shopi, en avouant comment on essayé de garer la bagnole tout bourré en revenant du Jimmy’s, ou comment on a tourné le regard à la boulangerie en voyant cette fille qu’on a traité de façon un peu moyenne. “Ce que je raconte, c’est vrai à 90%”, nous dit Orelsan.
Le dernier type qui nous avait débriefé sa vie avec autant de sincérité s’appelle Fuzati (du Klub des Loosers, reviens vite mec) : tout comme lui, Orelsan a décidé de ne pas mettre de filtre entre sa tête et son micro. Les lyrics sont bruts, on ne joue pas, c’est glauque quand c’est glauque, limite parce qu’on l’est tous un peu parfois (Entre bien et mal), les faiblesses s’avouent et les claques se prennent la tête haute, bim bam (Perdu d’avance). Oreslan, on peut vous l’assurer, c’est en même temps l’une des révélations de cette année 2009 toutes catégories confondues, et la confirmation de la mue du hip-hop français au-delà des productions classiques ghetto et reloues.
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