Paul McGuinness, manager de U2, crée un nouveau label Celtic Heartbeat. Ou comment adapter les techniques de marketing à la musique traditionnelle irlandaise.
La figure ronde, les yeux clairs et l’air jovial, Paul McGuinness ressemble plus à un chef cuisinier qu’à un manager de groupe de rock. Il connaît pourtant l’art de faire prendre la sauce. Lorsqu’il monte à bord de l’avion renifleur U2, il veut en faire un groupe culte, mais aussi une énorme machine à sous. Depuis les concerts monstres du Zooropa Tour et les délires narcissiques de MacPhisto-Bono, la mission peut être considérée comme accomplie. McGuinness poursuit néanmoins sa quête de projets ambitieux tels que prendre en charge le management de la capricieuse PJ Harvey. Aujourd’hui, à deux pas du rock bruyant, il concentre son attention sur le répertoire traditionnel irlandais, conscient du rôle qu’il occupe dans son pays et au-delà. En compagnie de David Cavanagh (manager de Clannad), il décide de créer un nouveau label, Celtic Heartbeat, entièrement consacré à la musique celte. « On ne peut pas vraiment parler de rapport entre cette musique, calme et méditative, et les groupes de rock irlandais, comme U2 ou Therapy mais ce sont deux côtés d’une même culture. Bono ou Sinead O Connor ont déjà travaillé avec des compositeurs de musique traditionnelle comme Clannad, c’est très fréquent en Irlande. » Refus du cloisonnement des genres, Paul McGuinness croit en la complexité du public. « Le public est beaucoup plus ouvert et sophistiqué que l’on croit. Si elle est de qualité, la musique celte doit être reconnue comme un style à part entière et trouver une audience large, pas seulement dans son pays d’origine. Le Family Tree Campaign aux Etats- Unis (qui réunissait quelques pointures du genre) a créé l’étincelle. Il fallait donner les moyens à cette musique de s’exporter commercialement. Jusqu’alors, elle était reléguée au fond des magasins de disques, au rayon world-music, reconnaît McGuinness. Mais nous resto ns persuadés qu’elle est plus que ça. A la différence de la musique pop, qui se consomme rapidement et dont la durée de vie est très courte, la musique traditionnelle résiste au temps. » Grâce au soutien financier de Doug Morris (Atlantic Record), le label naît en février 1995 et permet à quelques artistes de la verte Erin d’exporter leurs albums. Dans les rangs des premiers de la classe, des têtes connues des spécialistes (Maire Breatnach, Frances Black, Anùna…), mais aussi des nouveaux visages pas forcément irlandais. Celtic Heartbeat devrait à long terme regrouper des artistes de tous les pays, qui travaillent dans le respect du genre traditionnel. Pour l’instant, sept artistes figurent sur le label et une seconde fournée sera livrée à l’automne.
« Notre but est avant tout de choisir avec beaucoup d’attention les artistes et d’exercer une bonne fonction éditoriale, de donner une forte identité au label, un concept reconnaissable aussi bien sur le plan sonore que visuel (toutes les pochettes ont été confiées au photographe Tom Kelly). » Malgré sa nouvelle casquette de patron de label, Paul McGuinness veille toujours au grain. Bono vient d’enregistrer un disque avec Christian Moore sur la fin de la guerre en Irlande, North and South of the river. Se penchant attendri sur une photo de la jolie Polly Jean illustrant une récente couverture des Inrockuptibles, il lâche un soupir de profonde satisfaction, et nous fait comprendre qu’il est un homme comblé. Et on le croit.
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