Doja Cat nous a invités dans sa loge vendredi dernier pour parler de la version Deluxe de « Amala » et de tous les sujets qui gravitent autour de cet album plein de puissance.
Doja Cat, de son vrai nom Amalaratna Zandile Dlamini, s’était faite discrète depuis la tournée de Purrr! en 2014. Il faut dire qu’elle s’était fait connaître du grand public grâce à ce premier ep, rempli de titres planants, à l’image de So High, tous chargés d’une étincelle qu’on avait du mal à identifier à l’époque. Un truc envoûtant et plein de piment, légèrement embrumé par la weed et par le manque d’expérience de la jeune rappeuse.
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En mars 2018, Doja est venue clarifier la situation avec son premier album, Amala, allégorie du tournant musical qu’elle a pris. C’est que ce projet long de treize chansons envoie un message clair : Doja est une femme, une artiste et une productrice, qui, en quatre ans, a mûri, a enfoncé avec puissance les portes de la versatilité, et a embrassé sa féminité et sa sexualité. Pour s’en rendre compte, il suffit d’écouter la très sensuelle et remarquée Wine Pon You, l’entraînant rap de Go To Town, la trap de Roll with us, ou encore la très funky Game. Et c’était sans compter l’arrivée de la version Deluxe de cet album ce 1er mars, complétant les treize morceaux d’Amala avec l’énergique Juicy, la maintenant ridiculement célèbre MOOO ! ou encore avec l’excellente Tia Tamera en featuring avec Rico Nasty.
Vendredi 8 mars, alors qu’elle s’apprêtait à retourner l’Etoile, Doja a accepté de nous accorder une courte interview dans sa loge. Rencontre avec une jeune femme chaleureuse et réfléchie qui s’assume dans son intégralité en cette journée de lutte pour les droits des femmes.
Est-ce que tu pourrais décrire un peu ton dernier album, Amala ?
Je dirais que l’album en lui-même n’est pas vraiment une œuvre conceptuelle, c’est plutôt une compilation. C’est un album que je voulais très versatile, je voulais qu’il regroupe beaucoup de styles différents : il y a des influences reggae, r’n’b, rap, trap, funky et house. Pour moi, c’était une manière de me mettre en avant dans mon entièreté plutôt que de me restreindre à suivre un fil conducteur.
Pourquoi en faire une version Deluxe ?
Faire un album Deluxe, c’est un truc, maintenant, non ? (rires). L’idée du Deluxe n’était pas vraiment mon idée en fait, c’était celle d’un ami. On se disait que la chanson Tia Tamera avait super bien marché et qu’elle était très demandée, et on avait d’autres chansons qui n’étaient pas encore sorties, alors on s’est dit : faisons un album Deluxe et rajoutons-les. Et puis ça nous a surtout permis de faire de la place pour le prochain album.
Tu peux m’en dire un peu plus ?
Pas vraiment (rires). Seulement qu’il me ressemblera encore plus que Amala. Ça sera vraiment moi. Jusque-là, suspense…
Tu as tout le temps l’air en pleine évolution. Purrr! avait une vibe très mystique et planante. Quatre ans plus tard, tu sors Amala, un album beaucoup plus terre à terre et sexuel, comme centré sur le ressenti du corps. C’est un peu comme si tu étais passée de l’abstrait au concret entre ces deux projets. Il a dû se passer pas mal de choses entre les deux, vu le tournant radical que tu as pris ?
Carrément. Quand j’ai sorti Purrr!, je n’étais pas pleinement développée en tant qu’être humain, en tant que personnage, en tant que concept artistique et en tant que chanteuse. Et puis j’étais vraiment très jeune, et cet ep regroupait mes toutes premières productions. Je n’avais pas encore découvert tout le potentiel de ma voix non plus. Bon ce n’est toujours pas le cas, je pense, mais là j’en ai conscience et je travaille dessus. C’est qu’à l’époque j’écrivais des chansons que je n’étais même pas capable de chanter. Et j’ai arrêté la weed entre-temps (rires). Du coup, oui, Amala, c’est le résultat de mon évolution personnelle depuis Purrr!, clairement.
Tu as vécu dans un ashram pendant quelques années c’est ça ? Tu penses qu’Amala, c’était aussi une manière de passer de ce monde axé sur l’élévation de l’esprit vers le monde dans lequel tu vis aujourd’hui ?
Oui, il doit y avoir de ça. Je pense qu’on peut vraiment voir l’influence de l’ashram sur So High, où le son comme les visuels sont inspirés de mon expérience là-bas. Le truc, c’est que la plupart des personnes qui me suivaient à l’époque n’écoutaient que du hip-hop “conscient” ou “éveillé”, et fumaient beaucoup de weed. Mais moi, je n’ai jamais voulu être rangée dans une case comme ça. Je ne voulais pas être représentée uniquement comme “la rappeuse des stoners”. J’adore ce style, qu’on soit clair, mais je suis aussi quelqu’un de très créatif, et si je me bloque dans cet univers, je vais seulement faire des trucs psyché et il y a toute une partie de moi qui ne pourra pas s’exprimer. Et puis, encore une fois, je ne fume plus de weed (rires).
Si on parle créativité, j’ai envie de parler de Mooo !. C’est une chanson complètement délirante. Elle est 100% home-made c’est ça ?
Oui, c’est ça (rires). Le truc, c’est que cette chanson est vraiment partie d’une inside joke que j’ai faite pendant un de mes lives Instagram. Je ne faisais que répéter les paroles en riant, mais les gens aimaient vraiment. Et je répétais : “Non mais c’est pas possible les gars, je ne vais pas enregistrer ça, je veux faire des choses sérieuses, moi.” Mais elle est restée bloquée dans ma tête, je ne pouvais littéralement pas arrêter de la rapper. Alors ça a donné Mooo !. J’ai enregistré la chanson, j’ai tourné le clip dans ma chambre avec un drap vert, et il faut croire que le côté complètement décalé de ce truc a marqué l’esprit des gens.
C’est vrai qu’elle est devenue virale en un temps record.
Oui, c’est marrant (rire). Le pire c’est que j’essayais vraiment de produire une autre chanson à ce moment-là. Mais bon, je fais des musiques sérieuses à côté, et je sais que Mooo ! a été comme une porte d’entrée pour pas mal de personnes, qui continuent d’écouter et d’aimer ce que je fais aujourd’hui. Et puis, ça fait du bien de rappeler aux gens que le plus important reste de s’assumer et de s’éclater.
Aujourd’hui, c’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Et ces dernières années, ce combat pour l’égalité et l’émancipation est énormément passé par le milieu musical. Tu te situes où là-dedans ?
Mon but, en faisant de la musique, c’est d’inspirer les femmes à produire des sons. Il y a peu de femmes à la production et c’est vraiment dommage. Même moi, je ne suis pas super bonne, j’ai besoin d’autres personnes pour concrétiser mes idées, mais au moins j’essaye jusqu’à ce que j’atteigne mes limites techniques. Et aussi, j’aimerais bien que les femmes soient à l’aise avec leur sexualité, avec leur corps, et qu’elles puissent l’exprimer librement.
C’est vrai que le thème de la sexualité revient vraiment souvent dans tes chansons.
Oui, je suis vraiment quelqu’un de très sexuel et ça ne me fait pas peur de l’affirmer. Je pense qu’on peut le sentir de toute manière sur mes chansons, ou quand je suis sur scène.
Tu dois être ravie de tous ces projets féminins émancipateurs alors ?
Super ravie même ! Au niveau des projets féminins, je trouve qu’il y a beaucoup de choses super cool qui ont émergé ces dernières années. Il y a Lizzo par exemple, avec qui je suis partie en tournée, et qui est très axée sur le « body positivity ». Je pense que le fait qu’elle exprime ouvertement son amour pour son corps aide beaucoup de personnes. Et elle fait ça en plus d’être une chanteuse formidable, elle est née pour être sur scène. En général, je suis vraiment excitée par ce mouvement de femmes, j’adore en faire partie, et j’ai vraiment hâte de voir ce que ça va donner.
Toi-même, tu as deux femmes dans ta vie : Doja Cat et Amala [son prénom – ndlr.]. Comment est-ce que tes deux identités se complètent et s’aident ?
Bonne question (rires). Je pense qu’Amala est la partie la plus sensible et la plus douce de moi-même. Doja, c’est une échappatoire, c’est quelqu’un sans concession, très sexuelle, très libre et créative. Tout ça, c’est des choses que j’ai du mal à exprimer dans ma vie de tous les jours. On va dire que Doja, c’est un peu la sassy Amala, c’est la canaille qui est en moi (rires).
Est-ce qu’il y a des artistes que tu attends au tournant en 2019 ?
En fait, cette année, j’aimerais vraiment découvrir des artistes émergents. Je veux découvrir des nouvelles personnes, surtout des femmes que le monde attendait désespérément, un peu comme l’ont été Lady Gaga, Rihanna ou Rico Nasty à une autre époque.
En parlant de Rico Nasty, votre collaboration sur Tia Tamera est superbe. Est-ce que tu aimerais collaborer avec d’autres personnes de la même manière ?
Carrément. J’ai vraiment envie de faire un son avec Lizzo, ou encore Ski Mask The Slump God, qui est mon rappeur préféré en ce moment. J’ai d’autres personnes sur ma liste : il y a Aminé, Billie Eilish, que je trouve superbe. Et il y a encore d’autres personnes, mais ça c’est vraiment mon top dernièrement.
Propos recueillis par Salomé Grouard
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