Si le verbe est herbe, alors ce Paradisiaque aux jeux de mots parfois cabotins conduira à la gueule de bois. Comme le dit lui-même Solaar, les temps changent. Jusque-là, l’originalité du copain de Villeneuve-Saint-Georges suffisait pour n’appeler aucune comparaison. Alors pourquoi, dans le meilleur des cas, est-on tenté de justifier ce troisième album par le […]
Si le verbe est herbe, alors ce Paradisiaque aux jeux de mots parfois cabotins conduira à la gueule de bois.
Comme le dit lui-même Solaar, les temps changent. Jusque-là, l’originalité du copain de Villeneuve-Saint-Georges suffisait pour n’appeler aucune comparaison. Alors pourquoi, dans le meilleur des cas, est-on tenté de justifier ce troisième album par le besoin éventuel d’un De La Soul (pé-riode 3 high feet and rising) tricolore ou d’un A Tribe Called Quest gaulois ? A l’heure où le rap s’acoquine avec à peu près tous les genres pour donner naissance aux expériences les plus intéressantes du moment, MC Solaar a choisi de lisser une ligne de conduite aux angles déjà bien polis. Enfonçant le clou d’une légèreté revendiquée, le maître des sonorités malignes et de la rime taquine se cache humblement derrière sa casquette d' »entertainer » sympa, prêt à laisser les plages s’emparer de son disque l’espace d’une courte saison. Là où Jimmy Jay imposait des boucles et des scratches novateurs, l’omniprésent Pigalle Boom Bass de La Funk Mob tisse une texture rap-funk dans la droite lignée des écoles américaines West Coast et southern (Houston/Atlanta). A quelques exceptions près, la richesse musicale qui faisait toute l’originalité du son Solaar aussi bien en championnat de France qu’en Coupe du monde s’est bel et bien évaporée. Même déception pour les paroles, qui se noient sous le flot des allitérations systématiques, réduisant les textes à une collision de syllabes, là où Claude MC laissait autrefois la concurrence sur place grâce à la tenue de son propos. Sur la plupart des titres, les phrases semblent travaillées jusqu’à la torture avant d’atteindre leur quota réglementaire de jeux de mots. Mais cette quantité impressionnante d’effets de langage masque souvent le sens des textes et tue le charme qui irradiait Caroline ou La Concubine de l’hémoglobine. Ballesteros remplace Victor Pecci et les recettes demeurent les mêmes avec un Claude MC cherchant toujours à chatouiller la nostalgie télévisuelle des trentenaires qui loupaient l’école pour regarder L’Académie des neuf. Depuis Qui sème le vent et ses quelques séquelles hardcore, ultimes témoignages sur le quartier Nord, Solaar a définitivement remisé son treillis au placard pour se muer en néo-Gainsbourg d’un hip-hop français qui ne lui avait rien demandé. Surnagent de cette indigestion le hit impeccable Gangster moderne, la brillante série Les Pensées sont des flowers/Wonderbra/Le 11ème choc et Quand le soleil devient froid, titres qui possèdent au moins le mérite d’explorer de nouvelles voies musicales. Dommage, car MC Solaar cite toujours Gangstarr et Step in the arena. Alors pourquoi vouloir s’imposer dans la droite lignée de l’axe G-funk californien Coolio/Warren G dont la vacuité du propos a permis à New York de reprendre la tête du peloton ?