Avant leur concert sur les docks de Calvi on the rocks, nous avons pu prendre le pouls de Paradis. Sans son acolyte Simon, Pierre Rousseau s’est confié avant une longue tournée de festivals cet été.
Est-ce que vous avez commencé à chanter par nostalgie de la chanson française ou par désir de la réinventer ?
Pierre Rousseau – Non, il n’y avait ni ambition artistique ni volonté de s’inscrire dans quoique ce soit. Avec Simon, nous souhaitions juste utiliser une voix et des mots. Pour nous, la chose la plus sincère artistiquement et la plus maîtrisable pour cela, c’était la langue française.
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Quels sont les artistes qui vous ont convaincu de chanter en français ?
Il y a pas d’artistes en particulier. Je pense que l’on peut être autant touché par Léo Ferré que par Etienne Daho. Mais j’ai une affection particulière pour Jean-Louis Murat et son disque Cheyenne Automne. Je trouve que cet album est assez proche de ce que l’on a ambitionné de faire sur le notre.
https://www.youtube.com/watch?v=xni2NzjGu8Y
Vous avez travaillé sur la musique d’Alain Chamfort et d’Alain Souchon. Est-ce que vous avez le sentiment de vous inscrire dans un héritage commun ?
Il n’y avait pas spécialement de volonté de s’inscrire dans cet héritage mais il n’y a pas non plus d’envie inverse. C’est nous qui avons décidé de reprendre une chanson d’Alain Souchon. Cette reprise a été un déclic. C’est un morceau que connaissait bien Simon et il s’est mis à fredonner ses paroles sur une instru. Ce fût une révélation. Et ensuite Tim Sweeney (dj et animateur radio new-yorkais ndlr) nous a encouragés à poursuivre dans cette voie en chantant davantage en français.
Est-ce que la house music est derrière vous désormais ?
La house a été notre point de rencontre mais nous nous sommes rendus compte que notre avenir et notre présent passait désormais par des chansons. Nous avons dépassé la question du style et de la forme pour comprendre qu’il fallait écrire des textes et les chanter.
Comment se passe votre processus d’écriture ?
Tout se fait à 4 mains. L’impulsion de passer à la chanson vient souvent de Simon car c’est lui qui chante. Ensuite, on se pose devant Word et l’on écrit chacun à notre tour. C’est comme un puzzle. On barre, on modifie à tour de rôle. Souvent le sujet initial est complété et amendé par l’autre. Par exemple, un morceau comme « Toi et moi » au départ c’était une chanson sur le fait d’avoir un enfant. Au final certains la perçoivent comme une chanson sur l’amitié. Dans nos chansons, on essaye de maintenir intact nos impulsions afin qu’une variété d’interprétations subsistent.
Quel regard portes-tu sur le rap français et sa réappropriation de la langue française ?
Je le trouve exceptionnel. On nous parle souvent de renouveau de la chanson française comme si l’on ignorait le rap depuis 30 ans. J’en ai jamais beaucoup écouté et je ne m’identifie pas à cette musique mais ça fait partie de mes influences. Il y a d’ailleurs plusieurs rappeurs qui nous ont écrit pour des collaborations… Mais il y a quelque chose dans l’écriture du rap auquel je n’accéderai jamais et j’en suis pleinement conscient.
Beaucoup voient dans Juliette Armanet, des touches de Véronique Sanson ou la patte de Mylène Farmer dans les chansons de Fishbach. Quel regard portes-tu sur cette nouvelle scène ?
Je connais mieux Juliette que Flora mais je trouve ça super. Dans la musique et la création, il y a toujours un côté Madeleine de Proust. Je pense que c’est à la fois naturelle et classique, que des éléments de beauté d’une époque rejaillissent dans l’époque suivante. Je pense qu’on fait toujours de la musique pour retrouver un état de naïveté et de candeur que l’on avait durant notre enfance. Dans les années 80, il y a un revival des années 50. Les mecs de la New Wave faisaient du Rockabilly avec des boîtes à rythme. Et les mecs de la French Touch ont pioché dans la disco. Je pense que ce sont des phénomènes naturels et cycliques.
Vous avez déjà une idée de votre prochain album ?
On va sans doute essayer d’explorer ce que l’on expérimente déjà en live depuis le Midi Festival, l’an dernier. Simon chante et module des synthés, je joue de la guitare, Paul est au clavier et joue sur plusieurs synthétiseurs et enfin Victor est à la batterie. Les concerts en live nous ont permis d’éprouver notre musique et de la faire vivre différemment.
Après votre succès, on peut imaginer que vous serez d’une humeur moins mélancolique ?
Je pense et je le souhaite. Avec Simon, le disque s’est construit dans une forme de dualité assez intime et conflictuelle. C’était une conversation entre deux personnes qui s’observent. La création d’un album à deux, c’est une forme de mise à nu émotionnel que je n’ai jamais connu avec personne d’autre. Le fait d’avoir un groupe c’est quelque chose qui a ouvert cette intimité et a permis de la décomplexer à beaucoup d’égard. Je pense que nous ne pourrons jamais revenir dessus…
Propos recueillis par David Doucet
Concerts :
Montreux Jazz Festival, le lundi 10 juillet
Festival Musilac, le jeudi 13 juillet.
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