L’ex-fine lame de TTC, Para One, place la barre très haut avec Passion, un album touffu et complexe, gonflé de funk, de boucles hip-hop et de productions electro abstraites. Critique et écoute.
C’est dans les locaux de Marble, son nouveau label basé à Paris, qu’il nous reçoit. Un grand appartement de plain-pied un peu défraîchi, divisé en studios que se partagent les membres de Marble : les as des platines Birdy Nam Nam et les électroniciens Bot’Ox ou Jackson. “Après la mort d’Institubes, on a éprouvé le besoin de rebondir, raconte Jean-Baptiste de Laubier, alias Para One, calé dans un fauteuil de l’entrée. On n’était plus satisfait de la façon dont le label fonctionnait. On produisait de beaux objets à perte. En tant que DJ, on jouait partout dans le monde, on voyait qu’on avait besoin d’avoir plus d’actu que ça.”
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Créé avec Surkin et Bobmo, Marble prend aujourd’hui acte de ces nouveaux impératifs. Le label met en ligne un maxi toutes les trois semaines environ et organise une soirée chaque mois. Un nouveau départ post-TTC pour Para One, qui sort également Passion, son troisième album solo. Il l’envisage à la fois comme un aboutissement et un retour aux sources. “Il s’inscrit dans la continuité des premiers maxis que je signais en 2002, explique-t-il. Les germes de cet album étaient déjà présents, même si à l’époque j’avais plus envie d’aller vers la musique club.”
Ce qu’il fera avec Epiphanie (2006), un premier album qui donne dans l’electro très saturée (on se souvient de la furieuse Dudun-Dun). “Cette esthétique ‘dans le rouge tout le temps’ a fini par me lasser. Quand on l’a fait, il y avait un côté contestataire, ça cassait la techno de papa. Puis c’est devenu une norme, le nouvel ennui.”
Naissance des pieuvres, la superbe BO qu’il crée en 2007 pour le film de sa camarade de Fémis et amie Céline Sciamma, lui permet d’affiner sa composition. “Il n’y avait pas de texte, de chant ou d’effets de production, c’était à nu. De voir que ça touchait les gens m’a fait beaucoup de bien.” Ce DJ, producteur et réalisateur confie en effet avoir longtemps vécu la musique “comme une torture. Il y avait de l’angoisse liée à ce que ce soit joué, jugé, entendu. Toutes les années que tu passes à définir ton son peuvent être douloureuses.”
L’heure est au plaisir : Passion parvient pour la première fois à synthétiser ce qui fonde profondément l’identité de Para One : un mix d’influences hip-hop et electro et, surtout, cette capacité à lier un esprit très pop et mélodique avec une production très asbtract et complexe. “Les opposés m’attirent, c’est ce qui m’a toujours plu en musique : l’idée de mélanger OutKast et Autechre.” Exemple parfait de ce monstre electro-pop, Lean on Me, premier single chanté par son vieux pote Teki Latex sur lequel on devrait danser tout l’été.
Et qu’importe au final que le disque ne s’interdise rien et parte simultanément dans un peu trop de directions. Qu’il flirte effrontément avec le funk (When the Night, qui sonne comme un Bobby Womack), donne dans la house plus trippée (la maniaque The Talking Drums) ou les expérimentations plus cérébrales, dans la lignée d’un Dopplereffekt, Para One signe un disque touffu, virtuose par moments, confus à d’autres, passionnant de bout en bout.
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